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Ces métiers auxquels les autres ne comprennent rien

Bibliothecaire Ancienne

Via Viadeo, je suis tombé sur un article où je me suis reconnu : “Top 10 des métiers auxquels les autres ne comprennent rien” (Terrafemina.com) :

Si lors des dîners de famille votre grand-mère s’obstine à expliquer que vous travaillez sur un petit site pour occuper votre temps libre avant de trouver un véritable emploi stable. Si lorsque vous rencontrez quelqu’un et qu’il semble perplexe quand vous lui indiquez quel est votre métier. Si vous avez oubliez l’idée de faire comprendre aux gens ce que vous faites pour gagner votre vie. Si tous ces “si” vous parlent, venez découvrir d’autres métiers aux noms aussi obscurs que le vôtre !

Trois de ces métiers correspondent, au moins partiellement, à des compétences d’architecte de l’information :

Chef de projet SEO : pour faire simple, le chef de projet SEO (prononcer SIO) est la personne qui optimise le référencement d’un site internet. Cela afin de rendre le site le plus populaire possible. « SEO » voulant ici dire “Search Engine Optimisation”, mais c’est tout de suite moins facile à prononcer.
La version pour votre grand-mère : comme tout ce qui touche à internet est un peu étranger à votre grand-mère, il est préférable d’insister sur le fait que vous êtes payé pour conquérir le monde. Personne ne devrait rien ajouter à cela.

Community Manager : rien à voir ici avec une secte (quoique) mais bien avec une communauté qu’il s’agit de gérer au quotidien et sur tous les fronts. Le CM (pour les intimes) doit faire en sorte que l’image de la marque (généralement sur Internet) soit positive auprès des gens.
La version pour votre grand-mère : l’intitulé en anglais va tout de suite effrayer Mamie Georgette qui a déjà quelques difficultés avec l’interwoueb (et ne parlons pas des SMS). Autant miser sur le fait que vous êtes chargé d’animer, un peu comme un GO au Club Med.

Webmestre : sous ce nom francisé avec élégance (ou pas) se cache en réalité le chef d’orchestre d’un site internet, celui qui le dirige et même parfois qui en est le créateur. En version originale, qui est tout de suite plus parlante, on dit Webmaster. Un peu la même histoire qu’entre le mail et le courriel quoi !
La version pour votre grand-mère : il est possible de tenter le risqué “Mamie, je suis le chef d’un site internet”, de toute façon elle devrait avoir du mal à se souvenir de l’intitulé de votre emploi, donc autant faire simple dès le début puisqu’il faudra expliquer encore et encore.

Le dernier n’a rien à voir avec ce que je sais faire, mais sa conclusion est peut-être la plus pertinente :

Consultant SaaS : « Le consultant SaaS (« Software as a Service » ou « logiciel en tant que service ») conseille le client sur des solutions de cloud computing (appelé aussi informatique dans le nuage, informatique en nuage ou informatique virtuelle), qui permet l’accès à des ressources informatiques virtualisées et mutualisées via le réseau », indique le gouvernement sur la fiche métier. On va donc définitivement classer ce métier dans la case “incompréhensible pour le commun des mortels”.
La version pour votre grand-mère : mentir sur votre métier sera plus simple.

Pour mentir sur son métier, L’article Le Top 10 des métiers pour plaire à ses beaux-parents (sur le même site) comporte deux intitulés qu’un bibliothécaire peut donner :

Fonctionnaire [c’est loin d’être le cas de tous les bibliothécaires]
L’avantage ? Votre quotidien ne devrait pas intéresser grand monde, à moins que vous ne soyez employé à l’Élysée.
Votre image ? Celle de quelqu’un qui a la sécurité de l’emploi et ça, pour un beau-parent, ça n’a pas de prix.

Informaticien
L’avantage ? Obscur, le monde de l’informatique représente néanmoins, pour la génération précédente, l’« avenir », voire la promesse éventuelle d’un destin à la Bill Gates ou à la Mark Zuckerberg.
L’inconvénient ? Beau-papa devrait débarquer avec son portable dans les 2 minutes, afin que vous lui changiez son fond d’écran. Plus tard, vous vous transformerez en hotline familiale.

J’ai été confronté concrètement à la situation chez une grand-tante. Elle a demandé aux jeunes de l’assistance ce que nous faisions (ça ne m’arrive plus très souvent d’être appelé un jeune, mais ça m’a fait plaisir 🙂 ). Avec ma sœur infirmière et son mari menuisier, pas de souci. Quand je me suis lancé dans l’explication de ce que fait un webmaster, en croyant simplifier par un “je fais des sites internet”, mon aïeule, qui n’a jamais touché un ordinateur de sa vie, a froncé les sourcils. Moi qui me vante de me mettre au niveau de mes interlocuteurs quand je fais de la médiation, je suis tombé très loin de ma cible. Après coup, je me suis dit que j’aurai du me contenter d’un “je suis bibliothécaire”.

D’une certaine manière, il s’agit d’un mensonge, comme pour le consultant SaaS. Non pas que je ne sois pas bibliothécaire (je le revendique au contraire), mais parce ce que les gens se font une fausse idée de ce métier. C’est un peu comme si quelqu’un se disait charcutier et que les gens, à l’évocation de ce nom, pensaient à celui qui travaille le pain. Si les deux sont dans le commerce alimentaire de détail, ce n’est quand même pas (tout à fait) le même métier.

Le commun des mortels a des circonstances atténuantes, puisque même les organismes d’orientation ont 30 ans de retard dans leur description du métier de bibliothécaire.

Au-delà de son rôle de guide, une bibliothécaire se doit d’être au courant des ouvrages les plus lus ou connus afin de les faire acheter et ainsi enrichir son stock de livres, de CD ou de supprimer les plus anciens.

Cela reste vrai, mais c’est incomplet. Pour être capables de comprendre, nos proches devraient plutôt lire l’excellent dernier numéro du BBF : Bibliothèques et techniques dont l’article “La valeur des services documentaires en prise avec le numérique” :

L’objectif n’était pas d’encenser le numérique mais de montrer qu’il est, de toute évidence, devenu indispensable à la réalisation des missions de médiation documentaire dans tous les contextes. La compétence numérique doit être développée et régulièrement actualisée afin de remplir les missions fondatrices d’accompagnement pour l’acquisition des connaissances et de répondre à des besoins d’informations variés avec une exigence de qualité et de diversité.

Mais seuls les bibliothécaires lisent le BBF. En outre, les bibliothèques ne sont plus les seules structures que je vise, compte tenu de mes compétences et du marché de l’emploi.

Malgré tout, ce mensonge peut se révéler grandement utile. En voyage, je suis donc pour toutes les personnes que je rencontre “a librarian”. Parfois j’ajoute que cela ne concerne pas que les livres et que je tiens même un blog pour le (dé)montrer. Je ne suis pas sûr qu’on me croit à chaque fois. Cependant cela a le mérite de simplifier les choses. En effet, avec le globish, (mauvais anglais pratiqué entre personnes dont ce n’est pas la langue maternelle), je me sens parfois comme face à ma grand-tante : l’imparfaite communauté de vocabulaire complique la conversation. Un peu à la manière de la marionnette de Mitt Romney dans les Guignols de l’info :

N’importe quoi, le bibliothécaire, c’est celui qui lit toute la journée et qui n’est payé que pour tenir la douchette.

N’importe quoi, le bibliothécaire, c’est celui qui lit toute la journée et qui n’est payé que pour tenir la douchette.

Avez-vous aussi l’impression d’une sorte de demi-mensonge quand vous vous dites bibliothécaire, documentaliste, archiviste ou muséographe? Vous sentez-vous obligés de tout de suite préciser la nature de ce que vous faites, en évitant les termes techniques (record manager, knowledge manager, responsable GED et autre diffuseur de l’information)? Les commentaires sont ouverts!

Ce billet a suscité 23 commentaires dans le groupe Infodoc.pro de LinkedIn, sous la discussion : Avez-vous comme moi l’impression d’une sorte de demi-mensonge quand vous vous dites bibliothécaire, documentaliste ou archiviste?

Ce qui me vaut une notoriété passagère :

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