J’étais jeudi dernier à une journée d’études au titre provocateur : “Bibliothécaire aujourd’hui, est-ce encore un métier ?”. Or pour se faire une idée du métier, il est utile de se pencher sur ceux qui le font et où ils le font. Il se trouve qu’au début de l’année, une enquête sur les bibliothèques et les bibliothécaires a été lancée par l’ABF en vue d’un dossier dans sa revue Bibliothèque(s). En répondant au questionnaire, j’ai été amené à résumer en peu de mots ce qui est l’objet de ce blog à l’origine, et dont la maxime était d’ailleurs “Bibliothécaire, c’est un métier”.
Ayant préalablement précisé que j’avais travaillé en bibliothèque de lecture publique, mes réponses dans la partie “votre perception des bibliothèques” sont influencées par ce type en particulier, sachant que les bibliothèques de recherche, de patrimoine, ou universitaires nécessiteraient des compléments. Les liens hypertexte sont des ajouts à posteriori de ma part.
Qu’est-ce qu’une bibliothèque pour vous?
Vaste réponse que j’essaie de préciser depuis que j’y suis, à l’aide d’un blog. Disons un accès à la culture pour tous et sur tous supports, dans un lieu convivial et vivant, qui ne sente pas la naphtaline. Avec si possible une séparation entre des espaces studieux silencieux et d’autres où le bruit est autorisé (espace jeux vidéos, espace de travail en groupe… selon le public du lieu).
Quels sont les principaux services qu’elle doit offrir à son public?
- De l’information et du conseil : sur des types de ressources, pas que sur les romans (BD/manga, musiques, ressources en ligne…), et sur les endroits où trouver des ressources (emploi, formation…)
- Du prêt (douchette ou borne de prêt, qu’importe)
- De la consultation sur place (avec les appareils adéquats le cas échéant : lecteurs CD/DVD, liseuses, tablettes, ordinateurs, consoles de jeux…)
- Du Wifi… en état de marche, et avec des tables et chaises proches des prises de courant!
- Des animations pas exclusivement centrées sur le livre : théâtre, histoire de l’art… culture scientifique, ni dont le seul support serait le livre : heure du conte numérique, projections de films, concerts…
- La médiation passe aussi par un catalogue en ligne et des infos et conseils sur un support web comme un blog, un site, et sur les réseaux où sont les lecteurs… ou un portail pour une BU.
Les jeux vidéos, les pirate box, les fablabs, les copy-parties et autres flashmobs entrent peu à peu dans le vocabulaire bibliothéconomique… à défaut de réalisations concrètes nombreuses pour l’instant. L’aspect “espaces de coworking” devrait également se développer à l’avenir.
Avec le recul, j’aurai pu aussi donner les exemples suivants :
* Ask a librarian (BPI = Réseau Bibliosésame, BML = Guichet du Savoir, Question-réponse de l’Enssib, Question-réponse Rue des Facs), empruntez un bibliothécaire…
* L’amplitude des horaires d’ouverture fait également partie des services et provoque des débats récurrents et répétitifs (la dernière relance en date étant venue de la pétition de bibliothécaires sans frontière)
* Alors que les petites structures n’ont pas toujours de présence en ligne très développée, les plus grosses proposent des plateformes de blogs à leurs lecteurs. Ex : http://blogs.leschampslibres.fr/
Si vous travaillez ou avez travaillé en bibliothèque, votre regard sur les bibliothèques a-t-il changé depuis votre entrée dans ce milieu?
La bibliothèque et les services décrits ci-dessus sont une vision idéale. Rares sont les institutions qui offrent tout cela à la fois, spécialement les petites structures. Ce n’est pas une raison pour ne rien faire, mais cela nécessite de convaincre les collègues, rémunérés ou bénévoles, la direction et la tutelle, pour chaque nouveau service qu’on voudrait proposer. Pendant mes études, personne n’a jamais attiré mon attention sur l’importance de ce lobbying de proximité.
Ce que je reprocherais à ce questionnaire, c’est qu’il est très centré sur les bibliothèques et ceux qui y travaillent en oubliant que ce sont des équipements qui s’insèrent dans un écosystème :
- Elles ne sont qu’un service parmi d’autres dans une collectivité (commune, interco, département, université, etc) et le projet d’établissement n’est donc qu’un élément dans une politique plus vaste, au service d’une population donnée sur un territoire donné. Il faut garder cela à l’esprit dans les relations avec les tutelles. Concernant les politiques globales dans lesquelles s’inscrivent les bibliothèques, lisez
– Bertrand Calenge : La lecture publique, quelle lecture publique ?
La lecture publique est plus complexe que cela, c’est un appareil de mise en œuvre de la politique de lecture publique dont les bibliothèques municipales sont un aboutissement évident, mais ne sont pas le seul
– Dominique Lahary : Bibliothèques en territoires, 1 : La lecture publique intercommunale en 10 leçons
La lecture publique n’est solidement inscrite dans sa collectivité que si elle est au croisement de politiques sociales, éducatives culturelles. C’est ainsi qu’elle prend tout son sens. Cela passe par des relations transversales avec d’autres services de la même collectivité (enfance, jeunesse, personnes âgées, affaires scolaires, politique de la ville, action sociale, etc.) et des partenariats avec des associations et organismes extérieur
- Ce sont des lieux de vie qui sont partie prenante dans la vie locale : bibliothèques des communes voisines, cybercommune, écoles, associations, centres de loisirs, maisons des jeunes, ehpad, point accueil emploi, librairies, structures départementale, structures d’agglomération, partenaires pour l’action culturelle (CCSTI, écoles de musiques, musées, BDP…)
- A côté des partenaires locaux, elles sont impliquées dans les réseaux professionnels répartis sur tout le territoire en terme de lecture publique (Agences et directions Livre et lecture départementales et régionales), de formation (CFCB, URFIST, Bibliothèques départementales, CNFPT…), d’associations professionnelles nationales et internationales (ABF, IABD, EBLIDA, IFLA…). Les bibliothécaires ont parfois tendance à ne penser qu’à ce niveau en oubliant les deux autres, à l’instar du questionnaire.
Je viens de recevoir le numéro de Bibliothèque(s) dans lequel les résultats de l’enquête devaient être publiés : n°73 mars 2014 – Métiers et compétences. Je vais bientôt savoir quelle part de mes réflexions sont partagées par les autres répondants.