En cette semaine de la presse et des médias à l’école, les blogueurs politiques s’écharpent sur les chiffres des résultats des départementales et c’est formidable, tout le monde a gagné à l’issue du premier tour (sauf EELV : avec 2%, ils ne peuvent guère fanfaronner).
C’est quoi l’origine des nombres décimaux?
Mais d’où viennent les chiffres? Pas le décompte des voix validé par le ministère de l’intérieur, mais notre façon même de compter? Deux collégiennes ont cherché la réponse à cette question… pas longtemps :
Comment ça elles n’ont pas trouvé sur Internet, je croyais qu’on trouvait (de) tout sur Internet? A la lecture du post de Bouille DeBib, ne reculant devant aucun sacrifice, j’ai décidé de relever le défi.
Première étape : déterminer ce que cherchaient vraiment les collégiennes : l’origine des nombres décimaux, ou l’origine de la notation décimale?
La notation décimale
Aussi ancienne que l’écriture, la notation décimale (les décomptes en base 10), a été améliorée par les arabes qui, mettant à profit le zéro, d’origine indienne, ont inventé l’algèbre durant le moyen âge européen. Leur notation positionnelle de 0 à 9 simplifiait grandement les calculs par rapport aux systèmes antérieurs de un à dix, mais avec des intermédiaires comme cinq, cent, etc, utilisés par exemple dans les chiffres romains ou la notation de l’Égypte antique. Il existe d’autres systèmes de numération : en base 2 (binaire des transistors), en base 16 (informatique, par exemple les codes couleurs des logiciels graphiques), en base 60 (heures, minutes, secondes), etc.
Origine de la notation décimale : trop facile, je connaissais déjà la réponse et Google donne des dizaines de résultats.
Les nombres décimaux
Les collégiennes devaient plutôt chercher l’origine des nombres décimaux. Wikipedia nous en donne la définition suivante :
Un nombre décimal est un nombre possédant un développement décimal limité, c’est-à-dire un nombre qui s’écrit avec une quantité quelconque, mais finie, de chiffres derrière la virgule en base 10.
Comme Google est mon ami, il m’a fourni en tête des réponses un powerpoint de l’académie de Lyon : « Les nombres décimaux ont une histoire » où l’on apprend qu’un certain Simon Stevin a écrit en 1585 « La Disme », prônant l’adoption du système en base dix à la place des unités diverses et variées ayant court en Europe à cette époque. Il a inventé un premier système de notation préfigurant ce qu’on place après la virgule aujourd’hui. Quand à la virgule, c’est à Giovanni Antonio Magini qu’on la doit en 1592, avant que John Napier ne la popularise.
Temps de la recherche : 3 secondes, plus une dizaine de minutes pour parcourir le slide. En plus, j’ai appris quelque chose : je ne m’étais jamais demandé d’où venait la virgule.
Littératie numérique
Non seulement ces jeunes filles n’ont pas conscience de l’utilité des livres, ce qui est très inquiétant, mais elles utilisent Internet comme si c’était un instrument magique et sans se rendre compte que l’outil a sa propre grammaire. Ce n’est pas qu’une question de poil dans la main puisque je n’ai pas passé plus de temps qu’elles à chercher… mais moi j’ai trouvé. En clair, ce n’est pas parce qu’elle sont nées avec une souris dans les mains qu’elles savent s’en servir :
Une proportion non négligeable de jeunes enfants comme d’étudiants n’ont que des connaissances rudimentaires du fonctionnement et de l’utilisation des TIC. Ils sont encore moins nombreux à avoir des compétences critiques et une capacité de recul vis-à-vis des outils de recherche d’information en ligne. Or dans les économies tertiaires, ces lacunes risquent d’en faire une «génération perdue», incapable de tirer profit des outils des TIC dans leurs rôles de travailleurs, étudiants, entrepreneurs et citoyens.
Alors pourquoi ce mythe perdure-t-il? Parce qu’on a tendance à confondre l’exposition aux technologies et la compétence numérique.
La fracture numérique existe aussi chez les «digital natives», Slate, 19 janvier 2015
Esprit critique
Les deux collégiennes ne se rendent sans doute pas compte non plus que l’outil numérique peut être mieux utilisé avec de la culture générale : j’ai eu l’idée de demander à Google « histoire des sciences nombres décimaux« , mais je n’ai découvert l’existence de l’histoire des sciences qu’arrivé en Bac+3. Elles ont encore le temps 🙂 . C’est aux enseignants de leur montrer la voie. Le constat est très bien posé dans un commentaire d’un autre article de Slate, à propos d’une critique de 50 nuances de Grey :
Une recherche efficace sur internet n’est pas aussi évidente que vous semblez le suggérer [pour une jeune femme de 21 ans].
Taper simplement Sado-masochisme, SM ou bondage SM dans Google vous donnera une myriade de résultats qu’il faudra mettre en ordre et analyser. Contrairement à l’époque où on apprenait aux jeunes à faire une recherche à la bibliothèque, aujourd’hui les jeunes sont laissés à eux même et ne savaient pas correctement faire des recherches sur internet. Ils font mal la différence entres les résultats Google de qualité, les pubs, les sites pornos, les mélanges promos/pubs/pornos etc… Et ils ne prennent pas assez le temps pour vérifier ce qu’ils lisent. Un texte choc va les faire réagir et ils vont prendre les info au pied de la lettre, malheureusement, sans chercher à voir si il y a intox.
A lire certains comptes Facebook, à voir les rumeurs conspirationnistes après les attentas de Paris, ou les réactions aux photos envoyées par les Rover sur Mars, on ne peut qu’être d’accord, en particulier avec la dernière phrase. L’enseignement de la littératie est un impératif, pas une option. Si cela avait été fait en temps et en heure, Daech aurait peut-être plus de mal à endoctriner les jeunes français sur les réseaux sociaux. Fin 2012, 80% des enseignants n’étaient pas bien outillés pour rechercher des savoirs attestés sur internet et ils n’en étaient pas conscients. Où en est-on aujourd’hui? Ce ne sont pas les initiatives des 20% restants qui manquent, mais il serait temps que ces derniers soient un peu écoutés par leurs collègues. La culture sans esprit critique n’est rien, mais l’esprit critique sans culture, c’est pire.
Aller plus loin :
Avec les puissances de dix (en bas à droite), on mesure les tailles relatives de tout les objets, des plus petits (particules sub atomiques : un tas de zéros après la virgule) aux plus grandes (super amas de galaxies : un tas de zéros avant la virgule)
Les Cahiers de Science & Vie n° 112 : Origine des nombres et du calcul :
P.56 : Inde, aux sources de la numération moderne
P.64 : Le zéro, un vide qui commence à compter
P.66 : Arabes, les passeurs de la modernité
Il faut attendre le Ve siècle de notre ère pour qu’apparaisse une numération de position et le premier zéro indien sous la forme d’un point.
Sous l’impulsion géniale d’Al-Khwarizmi, qui vulgarise le système décimal emprunté aux indiens et en fait l’outil de calcul par excellence, l’Algèbre décolle.
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Tout le dossier :
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- Faut-il toujours chercher la certitude ?
<MAJ du 10 février 2020 : Des résultats supplémentaires>
L’algorithme de Google étant en constante évolution, la page de résultats met en avant les vidéos quand il y en a. Il y en a maintenant trois avec la requête « histoire des sciences nombres décimaux« , réalisées postérieurement à cet article (2017 et 2019) :
Parmi les résultats les plus intéressants, outre le powerpoint de l’académie de Lyon déjà cité, on trouve :
- Histoire de la virgule, vidéo qui reprend l’histoire très répandue des cailloux, des bâtons et des carrés fractionnés en 10 puis en 100
- Histoire de l’écriture décimale, diaporama qui apporte des précisions quand à l’évolution des fractions vers l’écriture décimale. On y apprend notamment que :
- La notation des fractions avec une barre horizontale a été inventée par Al Hassar vers 1200
- Ibrahim Al Uqlidisi (952), Al-Kasi (1427), François Viète (1579) et Simon Stevin (1585) ont contribué à l’écriture des nombres décimaux.
-
- Au cours du XVIIe siècle, après la Dîme de Stevin, plusieurs notations sont proposées pour repérer l’unité :
2Ⓞ57
2|57
2;57
2.57
25’7 »
etc - A la fin du XVIIIe siècle, la France adopte finalement la virgule et le monde anglo-saxon le point.
- Ce n’est qu’en 1920 que la conférence internationale de Strasbourg recommande l’utilisation de la virgule dans tous les textes mathématiques.
- Au cours du XVIIe siècle, après la Dîme de Stevin, plusieurs notations sont proposées pour repérer l’unité :
</maj>
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