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Ce qui fait flipper les recruteurs

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Dans les sites de recherche d’emploi, on parle beaucoup plus des recruteurs que des futurs recrutés. Reviennent en boucle les conseils avisés pour optimiser son CV, rédiger un lettre de motivation percutante, préparer un entretien, passer un entretien, relancer après un contact, etc. Avec en point de mire la réaction du recruteur. Le Recruteur, cette figure quasi mythologique, demi-dieu égal d’un Hercule ou d’un Persée. On est à la limite de la pratique cultuelle. Pour chaque action, il faut se demander si c’est en accord avec la doctrine, jusque dans les moindres détails :

Faudra-t-il choisir 1 ou 1,5 entre les lignes d’un bloc de texte et faudra-t-il choisir un interlignage différent pour les énumérations dans les CV?
Est-ce qu’une différence de corps entre le texte de la lettre de motivation et le CV donne mauvaise impression?

De même qu’un juif pieux va consulter son rabbin en cas de doute sur l’orthopraxie de ses actions, le chercheur d’emploi peut s’adresser à une multitude de gourous. Par exemple, voyez celui-ci qui nous explique sur Viadeo comment ne pas rater sa poignée de main en arrivant à un entretien :

Ponctualité, tenue, langage corporel, politesse… ces conseils sont fondés mais on a parfois l’impression d’être pris pour des simples d’esprit qui n’ont jamais vécu en société, façon Victor de l’Aveyron. Pour tout savoir sur l’orthopraxie de la recherche d’emploi, le coach propose une formule Premium à 477 Euros. Résultat : des réponses préparées à des questions standard, … et quelques gogos pris pour des pigeons.

Ce qui fait flipper les recruteurs est le titre d’un article récent de Keljob :

CV, lettre de motivation, entretien, relance…Pour convaincre un employeur de vous embaucher, il faut réussir à le rassurer à chaque étape du recrutement. Des pros détaillent pour Keljob, les attitudes qu’ils rencontrent régulièrement et qui peuvent sérieusement les faire douter.

Toujours le même discours à sens unique : il ne s’agit même plus de plaire au recruteur, mais de ne pas lui déplaire. Rien que des portes ouvertes cependant : photo de CV, trous entre les expériences, accueil au téléphone, etc. Mais cette fois, les chercheurs d’emploi se rebiffent dans les commentaires :

S’il fallait comparer les incivilités et impolitesses des candidats face à celles des recruteurs, selon toute vraisemblance les recruteurs sont, de loin, beaucoup plus méprisants, irrespectueux et impolis que la grande majorité des candidats : pas de réponse aux candidatures, promesse de réponse non-tenue, recrutement hors sélection, absence de justification en cas de réponse, poste inexistant, questions intrusives, iniquité sur les critères utilisés, etc.

[…] Donner des conseils pour ceux qui cherchent un emploi activement, c’est très bien, bravo même.
Mais il faudrait aussi un peu coacher les recruteurs non ?

Sur Viadeo aussi, on sent un certain ras-le-bol :

Est-ce respectueux un recruteur qui arrive une demi-heure en retard en entretien et ne s’excuse pas ?
Est-ce respectueux un recruteur qui n’est même pas suffisamment compétent pour noter qu’il vous a fait venir tel jour à un entretien, tombe des nues en vous voyant arriver, vous fait patienter 30 min tout ça pour torcher l’entretien en 10 min d’un ton agressif car là vous tombez vraiment mal ?
Est-ce respectueux les recruteurs qui ne vous recontactent plus après un entretien téléphonique ou en réel ni même quand vous les recontactez plusieurs fois pour avoir une réponse ?
Les recruteurs ont trop la part belle dans l’histoire, ce sont toujours eux que l’on fait passer pour de pauvres victimes, entourés de demandeurs d’emploi incompétents et irrespectueux, dont le métier est extrêmement éprouvant car il faut trouver des clones, il faut distribuer les CV à leurs nombreux stagiaires pour faire le tri. A croire qu’être RH, c’est pire que d’être ouvrier ou maçon !
Personnellement, j’en ai assez de voir 10 articles par semaine sur Viadeo débutant par « Les recruteurs n’aiment pas les candidats qui … ». Si encore ils pouvaient se targuer d’être eux-mêmes compétents et irréprochables au niveau relationnel , mais ce n’est pas le cas ! Et si pour changer, un tout petit article était consacré à « Les demandeurs d’emploi n’aiment pas les recruteurs qui…« 

Je n’ai trouvé qu’un article de ce genre, qui pourrait s’intituler “les demandeurs d’emploi n’aiment pas les recruteurs qui mentent » et dont le titre exact est : Comment détecter les mensonges d’un recruteur ? Pourtant il y aurait bien d’autres articles à écrire sur le sujet. A défaut, on trouve les éléments sur le point de vue des candidats dans leurs commentaires, comme les deux cités ci-dessus.

Le reproche qui revient le plus souvent est l’absence de réponse après une candidature ou pire, à la suite d’un entretien. J’ajouterais que lorsque réponse négative il y a, c’est un courrier-type digne de la vente par correspondance. On ne s’embarrasse pas toujours de personnaliser le monsieur/madame, et le nom n’apparaît jamais ailleurs que dans la zone du destinataire.

Malgré tout l’intérêt de votre candidature…

Des lettres comme celle-ci, j’en ai des centaines, et elles ne représentent qu’un petit pourcentage des démarches de recherche, la plupart de ces dernières restant sans réaction. Il y a celles qui répondent à une demande d’emploi.

Avec un contact dans la place, j’avais passé un test et un entretien, Voila le résultat.

Je ne suis pas un mendiant. Je ne fais jamais de demande d’emploi, toujours des propositions de services. Que la candidature soit spontanée ou suite à une offre, les courriers se suivent et se ressemblent :

Les courriers de réponse autour des entretiens sont moins lapidaires, mais tout aussi formatés. Le plus drôle est le courrier qui ne sert qu’une fois parce que :

  • L’entretien est repoussé à une date ultérieure :
En fait l’entretien n’aura jamais lieu.
  • Après avoir reçu des dizaines de postulants, l’employeur n’a pas trouvé le mouton à cinq pattes :
Six mois après, le poste était toujours à pourvoir et un nouveau CV-LM de ma part n’a suscité… aucune réaction.

Ce n’est pas parce qu’un courrier est à notre nom que quelqu’un nous l’a spécialement rédigé. C’est un envoi en masse à tous les recalés. Tous les recalés reçoivent ainsi un « Malgré tout l’intérêt de votre candidature ». Le retenu, lui, est généralement directement contacté par téléphone.

Le recruteur a le droit d’être agacé par les lettres de motivation « copié-collé » :

Certes, vous gagneriez du temps à ne changer que le nom des destinataires de vos lettres. Mais à quoi bon écrire dix lettres en une heure si aucune n’est réellement efficace ? Les employeurs connaissent la (grosse) ficelle et repèrent les ‘flemmards’ au bout de la deuxième phrase ! Ils sauront apprécier que vous preniez soin de leur adresser un discours un tant soit peu personnalisé, qui fasse écho à leurs propres problématiques.

Cet auteur pense sans doute que les candidats, eux, ne savent pas reconnaître une lettre-type dès la première phrase. Qu’ils ne connaissent pas cette ficelle grosse comme le bras? Et pourtant les postulants devraient en plus être reconnaissants de recevoir ce genre de courriers envoyés par les moins flemmards des recruteurs. La plupart des employeurs ne se donne en effet pas même la peine de répondre. D’ailleurs parfois ils gagneraient à s’abstenir : la réponse la plus hilarante que j’aie jamais reçue fut celle d’une université, la première année où le concours C a été remplacé par un recrutement sur dossier et entretien. Je n’étais pas “admissible” parce ma “note” était trop faible, tableau à l’appui, avec coefficient d’épreuve et seuil d’admissibilité. A l’époque, j’avais hésité à leur envoyer une demande pour voir ma copie. J’ai pris la peine de la retrouver dans mes archives, elle vaut le détour :

Toutes les universités recrutant cette année là avaient au moins pris le temps de refaire un courrier-type adapté à la nouvelle manière de recruter (du moins la trentaine qui m’a répondu). Sauf Cergy qui est resté sur l’ancien modèle, comme si j’avais planché pendant des heures sur des épreuves d’admissibilité, et que j’étais recalé pour l’oral. Fainéantise ou sclérose de ce SCD?

Lors d’un recrutement, on réuni une commission ou un comité, on fait passer des tests, des entretiens, des simulations. On a tellement peur de se tromper, même pour un poste subalterne, qu’on est prêt à payer des fortunes un cabinet de recrutement ou d’intérim pour trouver la perle rare. L’ennui c’est qu’on  ne sait pas toujours ce qu’on veut. Qu’importe, le candidat est sommé d’avoir la science infuse et devra personnaliser sa réponse même avec une offres rédigée n’importe comment.

Pourtant, il y a quelques points communs dans les demandes des employeurs. C’est encore un candidat qui les détaille dans Viadéo : Les sept arguments qui font de vous un(e) bon(ne) candidat(e) à l’embauche. En résumé :

Bref, un(e) bon(ne) candidat(e) a entre trente et quarante ans, a un bon cursus mais n’est pas non plus bardé de diplômes inutiles, beaucoup d’expérience mais pas trop pour ne pas être supérieur à ses chefs et travaille énormément pour un salaire à peine plus élevé que le SMIC. De préférence, blanc, de sexe masculin, hétérosexuel et ne fumant pas.

Une analyse sarcastique mais non dénuée de vérité. Voilà donc ce qui fait vraiment flipper les recruteurs : quelqu’un qui ne correspond pas à ces critères-là. Tout le reste est secondaire.

Ma formation en vente spécialisée (titre de niveau IV) m’a appris qu’un client a toujours besoin d’être rassuré : “vous avez raison, ce produit est celui qu’il vous faut et je m’y connais, vous ne serez pas déçu”. On case une vente complémentaire, une extension de garantie et/ou une solution de financement et le client repart heureux qu’on ait vidé son porte monnaie. Pour le recruteur c’est idem, il faut le ra-ssu-rer :

A défaut de réunir les sept arguments énoncés dans l’article ci-dessus, il faut développer un argumentaire qui contre les objections prévisibles :

C’est rassurant d’avoir, en face de soi, un profil qui connaît ses forces et ses faiblesses et qui est capable d’expliquer, exemples concrets à l’appui, ses précédentes expériences professionnelles sans avoir à regarder son CV

Mais il est plus facile de faire l’article d’une imprimante, d’un synthétiseur ou d’un GPS, que de soi-même. C’est pourtant ce à quoi il faudrait arriver. Cela s’appelle “savoir se vendre”.

<MAJ du 19 décembre : l’exception qui confirme la règle>

Je viens de vivre un recrutement qui, quoique conclu sur un avis défavorable, s’est révélé si professionnel qu’il mérite d’être souligné : seulement huit jours, de la candidature à la réponse définitive, pendant lesquels ont eu lieu un premier entretien avec des tests et un second plus axé sur l’adéquation au poste et la motivation. La réponse pour les tests est intervenue le soir même, celle pour la réponse finale le lendemain du deuxième entretien. Les deux réponses se sont faites par téléphone. Pas de courrier type, pas de question con du style « citez-moi trois défauts ». Que du concret, en relation avec le poste, tant dans les tests que dans l’entretien final. Malheureusement un exception qui confirme la règle, mais bravo à ce recruteur… qui n’était pas dans mon domaine de compétence habituel.

</maj>

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4 commentaires sur “Ce qui fait flipper les recruteurs”

  1. Retour de ping : InfoDocBib - Architecte de l'information Racisme et e-réputation

  2. Merci pour cet article criant de vérité et teinté d’humour !
    Actuellement jeune diplômé en recherche de son premier emploi, je connais les galères que vous énoncez. Et quand je ne reçois aucune réponse, je reçois des mails/lettres du genre que vous exposer dans votre article.
    Même si j’essaie de ne pas trop me décourager (et encore, c’est dur), je suis souvent effaré par certaines annonces…

    Par exemple, je suis tombé hier sur une offre d’emploi de traducteur technique, dans le cadre d’un contrat intérim de deux mois. Profil recherché : LEA. Ça tombe bien, je sors d’un Master de LEA (bon pas de traduction, certes, mais comme on dit : il faut y aller au culot !). Je lis l’annonce, qui n’est d’ailleurs pas bien longue, et je vois ça : « 4 ans d’expérience en tant que traducteur, si possible dans la pharmaceutique » (c’était plus ou moins ça). J’ai explosé de rire. Oui, même pour les petits contrats, il faut X années d’expérience. Ok, je comprends qu’un recruteur puisse être exigeant, mais là… Enfin, peu importe, je suis allé au culot et ai postulé. Après tout, même si je n’ai jamais fait de la traduction de ce type, je suis là aussi pour apprendre. Mais ça, beaucoup de recruteurs l’oublient…

    Il y a eu aussi cet entretien pour un poste de rédacteur web… dans la voyance ! Enfin bon, je reste malgré tout « ouvert » aux propositions et j’ai aussi envie de gagner ma vie. Donc je l’écoute faire son exposé sur l’entreprise, le poste à pourvoir et son côté « fun », en précisant même qu’il ne faut pas « s’étonner de voir des gens aller et venir dans l’entreprise », vu qu’apparemment, c’est monnaie courante de se barrer et de se faire remplacer par quelqu’un d’autre. Entre temps, le recruteur me taille par rapport à mon CV, en disant que je ne me mets pas assez en avant, m’agresse en me reposant deux fois la même question (alors que j’y avais répondu la première fois). Et à la fin, il me remercie de ma curiosité (car oui, moi quand je suis à un entretien, j’aime savoir dans quel structure je vais travailler, j’aime savoir quels sont les missions qui me sont « imposées ») et il est partant pour un second entretien. Donc moi, je me dis : « Bon, ben, ça m’a l’air d’être bon ! » Et je lui pose la fameuse question : « Est-ce que je dois vous recontacter ? » Lui me répond qu’il me rappellera, d’ici deux jours (après l’entretien, j’entends).
    Quinze jours passent et aucune nouvelle. J’appelle donc le recruteur, pour savoir où en est ma candidature. Il me répond qu’il a vu beaucoup de candidats et qu’il est encore en pleine réflexion, et qu’il me faudra encore attendre 15 jours. Déjà, au fond de moi, je sens le mensonge préfabriqué, cachant une raison obscure… Et le lendemain, je reçois un mail, du genre : « Je suis désolé, mais votre candidature n’a pas été retenu. » Alors qu’il était partant pour un second entretien ! Vous croyez qu’il n’y a pas un souci, tout d’un coup ?

    Il faut aussi que je vous parle des nombreux entretiens que j’ai eu, lorsque je recherchais mon stage de Master 2. Entre le recruteur qui me dit : « J’ai l’impression que vous étiez un exécutant durant vos précédents stages. » (oui car maintenant, stagiaire = employé ou cadre, vu le contexte actuel), celui qui me sort : « Master LEA ? Oula, mais c’est quoi encore ça ? ça me fait bien peur ! Et puis, j’aime pas les stagiaires qui veulent être encadrés ! » (alors qu’au départ, le principe d’un stage, c’est l’encadrement, même si c’est bien de prendre des initiatives aussi), ou encore, celui qui me dit : « Vous n’avez pas assez d’expérience. » (il s’agissait encore d’un stage…). Bref, des conneries, j’en ai entendu dans ma courte vie (et j’en entendrai), mais toutes ces réactions me font rire doucement…

    Enfin, il y a cette offre d’emploi pour un poste de rédacteur web/référenceur au Luxembourg. Donc, j’envoie ma LM et mon CV au recruteur. Le lendemain, je reçois une réponse : « Merci pour votre candidature. Votre adresse mentionnée est-elle bien à 600 km ? » Donc moi, je lui réponds « oui », naturellement (en tant que jeune expérimenté, j’avais oublié de dire que j’étais évidemment prêt à déménager près de mon lieu de travail, le cas échéant). Je reçois le surledemain un nouveau mail : « Oui… Votre réponse est surprenante ! Vous avez un avion personnel ou vous comptez vous établir dans la région ? » Sur le coup, j’étais énervé par tant d’insolence (mais rappelons que les candidats sont insolents, et que les recruteurs sont des anges), puis lorsque j’en ai parlé autour de moi, tout le monde a pratiquement eu la même réaction, à savoir que pour le coup, « le recruteur allait loin dans la connerie » !

    Bref, tout ça pour dire qu’effectivement, on rappelle au candidat qu’il faut plaire au recruteur, qu’il faut être poli, courtois, qu’il faut savoir se vendre. Mais quand en face, l’autre est arrogant, voire irrespectueux, on n’a plus envie de faire des efforts.
    En tout cas, merci pour cet article ! Je me sens beaucoup moins seul maintenant ! =)

    1. Merci pour ce commentaire, Fabien. Moi aussi, je me suis senti moins seul en cherchant des sources pour étayer mon billet. L’origine de ce dernier est le groupe Viadeo « Ce que les recruteurs n’aiment pas » qui m’envoie des notifications mail aussi fréquentes que des spams tant le groupe est actif (près de 4000 membres). Cela avait fini par m’agacer.

      Par ailleurs, aujourd’hui même, Keljob nous livre enfin la réponse à notre grande question : Pourquoi les recruteurs ne rappellent pas ?
      Édifiant mais réaliste, je pense.

      Pour terminer, j’ai vagabondé sur votre blog (qui a le même âge que le mien – juillet 2010)
      http://www.escapetoculture.net/
      Bravo, il est bien fichu. A en juger par la fréquence des billets, vous êtes un grand cinéphile. Un seul manque : pas de rubrique BD? 😉

      1. Merci d’avoir répondu aussi vite !

        J’ai lu l’article, mouais… Je ne suis pas très convaincu… Même si c’est pourtant un peu vrai.

        Après, les articles du genre « Qu’est-ce que les recruteurs n’aiment pas ? » sont bien également, on peut s’en servir pour préparer les entretiens à venir. Même si je dis toujours qu’il faut aussi rester soi-même, pour ne pas « tromper sur la marchandise ».

        Enfin, merci beaucoup du compliment ! Effectivement, je suis un cinéphile très actif ! J’ai une carte d’abonnement, ce qui fait que je fréquente les salles obscures plusieurs fois par semaine (et avec les séances en VO, ça y va !).
        Eh non, pas de rubrique sur les BD. Je ne lis pas souvent déjà, alors les BD…

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