Mardi dernier j’étais aux archives départementales pour une visite professionnelle organisée par l’ADBS. Ces archives sont un service du conseil général et elles assurent des missions de :
- Collecte
- Conservation et accueil
- Classement et inventaire
- mais aussi de communication et de mise en valeur
140 m de long, 17.000 m², réalisé par le cabinet d’architecture parisien Ibos et Vitart, l’actuel bâtiment des Archives départementales d’Ille-et-Vilaine a été inauguré en 2007. Cliquez sur la photo pour en savoir plus.
On y trouve, outre l’état civil qui les a rendues populaires via la généalogie, des documents extrêmement variés, qui vont du dossier médical des patients des Hôpitaux aux minutes des tribunaux et des notaires en passant par les mains courantes des commissariats. Les documents les plus anciens datent du XIe siècle et couvrent entre autres les archives du Parlement de Bretagne. Celui-ci avait un pouvoir législatif partiel sous l’Ancien Régime, en plus du rôle judiciaire qu’il conserve encore de nos jours (cour d’appel de Rennes). Nous avons visité des endroits habituellement interdits au public en compagnie de notre guide, Jean Yves Le Clerc (Conservateur du Patrimoine), intarissable sur son institution. Premier aperçu à travers l’album photos ci-dessous. Cliquez sur chaque photo pour lire les légendes détaillées. L’article se poursuit plus bas.
- Les archives départementales d’Ille-et-Vilaine sont situées dans le quartier de Beauregard, à proximité de l’Université Rennes 2.
- Outre la salle de lecture où sont communiqués les documents, l’équipement regroupe un auditorium, une cafétéria, des espaces d’exposition et une salle de conférences. (ci dessus : régie de l’auditorium). Le bâtiment abrite également les services centraux de la médiathèque départementale.
- Le bâtiment comprend plusieurs centrales de traitement de l’air, pour assurer une température et une hydrométrie constantes dans l’ensemble des magasins, qui représentent 45km de linéaires oocupés sur 76 km au total. Il faut aussi veiller à ne pas véhiculer des moisissures. Si un versement contient des documents suspects, ils sont mis en quarantaine.
- Le quai de déchargement , où les versements des différents organismes arrivent par palettes entières.
- Une rue intérieure dessert le bâtiment, en particulier le quai de déchargement, dont les camions doivent pouvoir s’approcher pour livrer leurs palettes.
- Les documents sont retirés de leurs boites d’archives classiques livrées par les organismes verseurs puis numérotés et reconditionnés dans des chemises et des boites noires aux propriétés spécialement étudiées pour la conservation : Ph neutre, robustesse et meilleure résistance au feu. Tout est consigné dans le logiciel de gestion d’archive Thot. Notre guide nous a fait une démonstration du fameux nœud d’archiviste pour clore les chemises cartonnées.
- Nous avons eu un aperçu de lissage de parchemin (avec reconstitution de sceaux réduits en miettes). Pour reconstituer des parties de documents perdues, on peut utiliser du papier japon ou procéder par colmatage assisté par ordinateur. Des connaissances en chimie sont indispensables car la plupart des traitements passent par des bains qui ne doivent pas abîmer le document, en particulier au niveau des encres.
- L’atelier photo assure deux types de missions : 1-Numérisation d’archives, soit pour Internet, soit à but de conservation (grand scanner ci-dessus). 2-Prises de vues pour les expositions ou comme illustration de documents de com. Les archives ont des accords avec des clients extérieurs.
- Les archives sont entreposées dans quatre types de magasins selon la nature des documents. Premier type : à rayonnages mobiles. Les boites doivent être de forme identique (rien ne doit dépasser), et les documents supporter une moindre circulation d’air.
- Deuxième type de magasin : à rayonnages fixes. Pour les documents nécessitant une bonne circulation de l’air. Les boites peuvent être de formes variées
- Parmi les magasins à rayonnages fixes, celui des archives du Parlement de Bretagne. Notre guide nous y a montré un « sac de justice » de l’Ancien Régime.
- Troisième type de magasins : pour les documents à entreposer à plat (parchemins dépliés, affiches, plans de grand format…)
- Dernier type de magasin : à tablettes inclinées, pour les grand formats supportant d’être enroulés.
- Au moment de notre visite, des archivistes étaient en train de préparer des affiches anciennes du TNB (Théâtre national de Bretagne), en vue d’une exposition future.
- Vue des toits végétalisés et des stores sur le toit de la salle de lecture.
- Le second plan illustre pourquoi le quartier porte bien son nom de Beauregard : situé sur une colline, on a une vue plongeante sur la ville.
- Salle de lecture vue depuis le comptoir des chargés de communication. La moitié de la salle est équipée de postes informatiques. Quelques lecteurs de microfilms subsistent.
- L’autre moité de la salle de lecture est un ensemble de grandes tables équipées de lampes. En vis à vis, la présidence de salle, animée par les agents d’accueil.
Le site internet tient une grande place dans la mission de communication et de mise en valeur des archives. C’est par ce dernier que s’est terminée la visite. Le numérique impacte de plein fouet le monde des archives avec la question de l’archivage électronique. Bien sûr, tout est relatif : les 4 millions d’objets numérisés proposés au public représentent à peine un quart d’un des magasins que nous avons visités, soit quelques centaines de mètres de linéaires sur les 45 km que compte l’établissement. Mais pour les documents passés aux pixels/OCR, se posent trois types de problématiques :
- Supports et formats : comment faire en sorte que les DVD et formats de fichiers soient encore lisibles dans quelques décennies? Les archives d’Ille-et-Vilaine ont opté pour un transfert périodique de supports optiques en supports optiques. Pour un accès sur plusieurs siècles, personne n’a de solution, ni chez les archivistes, ni nulle part ailleurs. Côté formats, les archives utilisent les mêmes normes que Glad, le portail des patrimoines de Bretagne.
- Open Data : les archives sont pour un accès au public le plus large, c’est même une de ses missions en tant que service public. Mais lorsque des opérateurs privés reprennent gratuitement les documents des archives pour proposer des services payants, le rôle des archives est mis en cause tandis que ces services d’opérateurs privés n’ont aucune garantie de pérennité.
- Données personnelles : lié à l’open data. Comment garantir que les opérateurs croisant des données issues des archives pour produire des applications statistiques, vont assurer une anonymisation efficace de ces données?
Parmi les sections les plus importantes du site, archives.ille-et-vilaine.fr/, figurent les archives en ligne. Le moteur de recherche est celui du logiciel de gestion d’archives Thot. Les archives ont mis en place un système de permaliens (adresses URL fixes) qui permet de pointer vers n’importe quel document du site de façon pérenne. Cela leur permettra par exemple de contribuer au portail régional des cultures de Bretagne, Bretania. Pour autant, les documents mis en ligne sont en basse résolution. Pour une utilisation par des tiers, à la résolution originale, les archives ont mis au point depuis 2010 un système de cinq « licences de réutilisation des informations publiques ».
Les archives départementales disposent également d’une page Facebook et d’un compte Twitter (@archives35), où des informations sont distillées d’une manière qui se veut décalée.
Sacs de justice de l’Ancien Régime semblables à ceux du Parlement de Bretagne. Quand une affaire était close, les documents s’y rapportant étaient réunis dans un sac de jute muni d’une étiquette résumant les faits. Ces sacs étaient accrochées à des poutres à hauteur d’yeux. C’est une sorte d’ancêtre des chemises suspendues. Ils sont à l’origine d’expressions telles que « l’affaire est dans le sac », « pris la main dans le sac » ou encore « vider son sac ».
Vraiment, c’était une visite intéressante et enrichissante, même pour des non-archivistes. Merci l’ADBS Bretagne!
Aller plus loin :
Les trésors des archive nationales – France 5, 18 octobre 2015
Marina Carrère d’Encausse propose une visite guidée à travers les Archives nationales, à la découverte des trésors les plus précieux de l’Histoire. Ce lieu méconnu du grand public ouvre exceptionnellement ses portes, même celles que ne franchissent habituellement que les chercheurs dûment autorisés. Ces bâtiments abritent des documents rares, étonnants, qui, souvent, révèlent des éclairages surprenants sur les grands moments et les grands personnages de l’Histoire. La visite démarre à Paris, à l’hôtel de Soubise, véritable coeur des Archives nationales avec ses Grands Dépôts et sa galerie du Parlement. C’est là, dans le quartier du Marais, que se situe le saint des saints des Archives nationales : la légendaire armoire de fer dont l’accès, pour des raisons de conservation des documents, n’est autorisé qu’à de rares privilégiés.
<Mise à jour du 29 novembre 2017 : archives essentielles>
Le Monde a publié des extraits d’un document de synthèse du Ministère de la Culture, consacré à la refonte de la politique culturelle. Dans ce document, censé rester confidentiel, il est notamment recommandé de s’en tenir à la collecte des ‘’archives essentielles’’. C’est peu de dire que cette piste a été mal accueillie.
Non pas que les archivistes considèrent que tout document mérite d’être archivé. Choisir, trier, écarter : c’est bien là le cœur du métier. Mais pour les professionnels, rejoints par de nombreux historiens, cette approche témoigne d’une volonté d’aborder ces questions sous le seul angle budgétaire. Archiver coûte cher : 6 millions d’euros par an pour conserver 100 kilomètres, peut-on lire dans le document. Le ministère aurait donc l’intention de réduire les coûts, en resserrant la sélection.
Toutes les archives sont-elles essentielles ? – Du grain à moudre/France Culture, 29/11/2017
Voir aussi sur Facebook :
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<Mise à jour du 13 décembre 2017 : le métier d’archiviste>
Labyrinthique, obscur et poussiéreux, le monde des archives semble relégué dans une arrière-cour où germerait spontanément notre patrimoine ordinaire. Mais les archives n’arrivent pas par magie sur les linéaires, triées classées et référencées.
« L’archiviste envisage, comme à son habitude, la dimension exponentielle du dispositif. Face à l’infini des archives et à l’éternité de leur conservation, il anticipe, il fractionne la masse et divise le travail. Il essaie de gagner du temps, de le prendre de cours. Là encore, on voit bien que le présent dans ce contexte devient totalement insignifiant […]. »
Le sens du temps, Anne Both.
Les archives départementales – La Fabrique de l’histoire/France Culture, 11 décembre 2017
Anne Both s’est aventurée au sein d’un service d’archives départementales afin d’y côtoyer ceux qui, au quotidien, œuvrent à la fabrication des archives. […] Une enquête foisonnante qui invite à une méditation sur les conditions de l’élaboration de notre mémoire.
Anne Both, Le Sens du temps – Le quotidien d’un service d’Archives départementales, éditions Anacharsis, 2017, 288 p.
https://www.facebook.com/infodocbib/posts/1756689551016130
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