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Nouveaux usages et politique (2)

Les régimes dictatoriaux et les régimes autoritaires ont vite cherché à filtrer le Web, de même qu’ils censuraient déjà les autres médias (journaux, télévision, radio). Nous avons tous en mémoire les petits accords entre amis que la Chine et Google avaient conclu (Google China existe depuis 2005), avant que les différents ne refassent surface :

Google a annoncé en janvier [2010] qu’il réfléchissait à la suite de ses opérations en Chine après avoir été victime d’attaques visant son code source et des comptes de sa messagerie Gmail appartenant à des militants des droits de l’homme en Chine. Le groupe s’est dit également excédé par les contraintes d’autocensure imposées par le gouvernement chinois. Pour l’heure il continue de filtrer les résultats de la recherche en ligne pour en expurger les sujets tabous pour Pékin – politiques ou pornographiques.

http://www.lemonde.fr/technologies/article/2010/03/19/google-pret-a-dire-bye-bye-a-la-chine_1321306_651865.html

Mais est-ce seulement le fait de ces régimes? Déjà en Occident, de plus en plus de vidéos sont censurées sur YouTube pour cause de droits d’auteurs :

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Or aujourd’hui en France, pas dans un obscur pays d’Extrême-Orient, la loi Loppsi 2, sous couvert de lutte contre les sites pédopornographiques permet la mise en place de véritables filtrages gouvernementaux :

« [En décembre 2010,] L’Assemblée nationale a adopté l’article 4 de la LOPPSI mettant en place le filtrage administratif d’Internet, via le cheval de Troie de la protection de l’enfance.

[…]

Les députés ont cédé en laissant au gouvernement la possibilité de recourir au filtrage du Net sans supervision de l’autorité judiciaire. Sans moyen pour les citoyens de contrôler les conditions dans lesquelles les sites seront censurés ou de s’opposer aux décisions, le pouvoir exécutif pourra désormais faire la police sur le Net au mépris des droits fondamentaux. Il s’agit d’une dérive d’autant plus inquiétante que le filtrage administratif pourra être étendu à d’autres domaines.

[…]

le gouvernement semble chercher à interdire WikiLeaks.

[…]

Nul ne pourra contrôler la façon dont ces mesures de filtrage seront mises en place, par une liste noire secrète, et il n’y aura pas moyen de les contester. De telles mesures constituent une violation patente de la liberté d’expression et de communication, notamment dans le cas d’inévitables censures collatérales, et contreviennent à la séparation des pouvoirs. »

http://www.laquadrature.net/fr/loppsi-censure-administrative-du-net-adoptee-les-pedophiles-sont-tranquilles

Lire aussi : L’IABD… contre le filtrage de l’Internet, pour la liberté d’expression :

http://www.iabd.fr/2011/02/01/l%E2%80%99iabd-contre-le-filtrage-pour-la-liberte-d%E2%80%99expression/

La France ne vaudrait-elle pas mieux que la Tunisie de Ben Ali, ou que l’Égypte qui vient à son tour de bloquer l’accès à Twitter et Facebook sur son territoire?

Ailleurs en Europe, la Hongrie veut faire passer une loi censurant tant les médias traditionnels que le net. L’UE n’y voit aucun problème, et pour cause : une directive sur le filtrage du net y est à l’étude depuis le printemps dernier!

Mais alors qu’est-ce que nos démocraties reprochent à la Tunisie, à l’Égypte et à la Chine?? L’Europe a-t-elle perdu la tête? A-t-elle oublié sur quelles cendres elle s’est construite? A-t-elle oublié ses valeurs?

Les pays d’Europe ne sont pourtant les seules démocraties à adopter des mesures portant atteinte à la neutralité d’Internet :

« Depuis le printemps 2008, L’Union européenne, les États-Unis, le Japon, le Canada, la Corée du Sud, l’Australie ainsi qu’un certain nombre d’autres pays négocient secrètement un accord commercial destiné à lutter contre la contrefaçon (Anti-Counterfeinting Trade Agreement). Suite à des fuites de documents confidentiels, il apparaît clairement que l’un des buts principaux de ce traité est de forcer les pays signataires à mettre en place des mesures de répression de partage d’œuvre sur Internet sous la forme de “riposte graduée” et de filtrage du Net.

Alors que d’importants débats ont lieu sur la nécessité d’adapter le droit d’auteur à l’ère numérique, ce traité cherche à contourner les processus démocratiques afin d’imposer, par la généralisation de mesures répressives, un régime juridique fondamentalement dépassé qui pourrait bien sonner le glas de la neutralité du Net. »

Riposte graduée, filtrage du Net : ce sont exactement les conséquences de LOPPSI et d’HADOPI. Voilà le fin mot de l’histoire : la France n’agit pas seule dans son coin, mais transcrit dans son droit domestique des mesures négociées internationalement, sous l’influence des lobbies économiques.

Lorsque j’étais en Russie, j’ai parlé d’ACTA à un ami informaticien. Il n’en avait jamais entendu parler. En France aussi peu de gens sont au courant. Néanmoins, il en a parlé à ses collègue et s’est renseigné, notamment sur la version anglaise de la Quadrature du net que je lui avais conseillé. Il m’a finalement appris que la Russie ne faisait pas partie des pays en négociation autour d’ACTA. Et pour cause : la majeure partie de ce qu’ACTA tente de mettre en place dans les démocratie occidentales, la Russie l’a déjà installé de son côté!

J’expliquais dans mon précédent billet pourquoi il était important pour les bibliothèques d’offrir l’accès à Internet à ses usagers comme elles offrent déjà la presse et les ressources utiles pour former des citoyens responsables. Mais que vaudrait un Internet tronqué par le droit d’auteur et la censure de l’exécutif, et marchandisé par ACTA? Faudra-t-il dans quelques années installer un écriteau au dessus des postes informatiques « Attention Internet peut nuire à la liberté de pensée »?

1 commentaire pour “Nouveaux usages et politique (2)”

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