« Je ne vais pas passer ma vie à les dessiner »
a-t-il déclaré aux Inrocks.
Dans les médias, on n’entend parler que de Mahomet. Partout les éditorialistes-chroniqueurs se félicitent que le dessinateur se soucie de la sensibilité des gens touchés au cœur de leur religion, ce qu’il n’a jamais dit. Et je me demande pour qui un dessin de Sarkozy peut constituer un blasphème. Le Sarkozysme serait une religion?
Or Luz, en février dernier a également déclaré :
« Je pense que la majorité des musulmans se fout de Charlie Hebdo. Je pense que les gens qui s’arrogent le droit de dire que l’ensemble de la communauté musulmane a été offensé sont des gens qui prennent les musulmans pour des imbéciles. Nous, on ne prend pas les musulmans pour des imbéciles »
Cela se rapproche beaucoup du livre posthume de Charb, l’ancien directeur du journal irresponsable, achevé deux jours avant les attentats… et qui pointe les vrais irresponsables. Extraits :
“Le problème, ce n’est ni le Coran, ni la Bible, romans soporifiques, incohérents et mal écrits, mais le fidèle qui lit le Coran ou la Bible comme on lit la notice de montage d’une étagère Ikea. Il faut bien égorger l’infidèle selon les pointillés, sinon Dieu va me priver de Club Med après ma mort.”
“En vertu de quelle théorie tordue l’humour serait-il moins compatible avec l’islam qu’avec n’importe quelle autre religion ? (…) Si on laisse entendre qu’on peut rire de tout, sauf de certains aspects de l’islam parce que les musulmans sont beaucoup plus susceptibles que le reste de la population, que fait-on, sinon de la discrimination ?”
“On nous demande de respecter l’islam, mais ce n’est pas respecter l’islam que d’en avoir peur. Ce n’est pas respecter l’islam que de confondre l’islam et le terrorisme islamique.”
“En France, la parole raciste a été largement libérée par Sarkozy et son débat sur l’identité nationale. (…) Lorsque la plus haute autorité de l’Etat s’adresse aux cons et aux salauds en leur disant : “Lâchez-vous, les gars !”, que croyez-vous que font les cons et les salauds ?”
“Que des racistes soient en plus islamophobes, pardon, mais c’est presque anecdotique. Ils sont d’abord racistes et, à travers l’islam, c’est bien l’étranger ou la personne d’origine étrangère qu’ils visent. En ne considérant plus que l’islamophobie chez le raciste, on minimise le danger raciste.”
Charb, « Lettre ouverte aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes » éd. Les Échappées, avril 2015, 13.90 euros
Le livre de Charb, écrit avant les attentats de Paris a un étrange écho avec l’essai de Caroline Fourest, Éloge du Blasphème, écrit après :
Après l’immense émotion qui a suivi l’attentat contre Charlie Hebdo, Caroline Fourest revient sur ces voix qui, au nom de la « responsabilité », de la peur d’ « offenser » ou du soupçon d’ « islamophobie », n’ont pas voulu « être Charlie ».
Dans cet essai pédagogique sans concessions, elle recadre les débats sur la liberté d’expression et alerte sur les dangers d’une mondialisation de l’intimidation. Elle clarifie la ligne de fracture entre laïcité à la française et relativisme anglo-saxon. Entre droit au blasphème et incitation à la haine. Entre Charlie et Dieudonné. Entre rire du terrorisme, et rire avec les terroristes.
A méditer par ceux qui ne se sentaient pas Charlie au lendemain du 7 janvier 2015. A méditer surtout par ceux, nombreux, qui après avoir salué et participé à l’esprit du 11 janvier l’oublient et le dénaturent allègrement quatre mois après. Il s’agissait d’abord de défendre nos valeurs et la liberté d’expression, pas d’instrumentaliser l’argument du terrorisme à toutes les sauces.
Sources des citations du livre de Charb :
- Le testament de Charb – L’Obs, 15 avril 2015
- Le livre posthume de Charb sur l’islamophobie – Le Monde, 15 avril 2015
- Le livre posthume de Charb contre les «escrocs de l’islamophobie» – La Parisienne, 15 avril 2015
- La lettre posthume de Charb: “Il ne faut pas lire le Coran comme une notice Ikea” – Les Inrocks, 15 avril 2015
En 2013, le journal était déjà taxé de racisme et Le Monde avait publié une tribune de Charb et de Fabrice Nicolino :
Ouvrez donc ce journal ! Jean-Yves Camus y suit avec la rigueur qu’on lui connaît l’activité des extrêmes droites. Laurent Léger dévoile les turpitudes des réseaux si étendus de la corruption. Bernard Maris décortique l’économie et le capitalisme comme aucun autre. Patrick Pelloux raconte avec douceur les horreurs des urgences hospitalières. Gérard Biard ferraille contre le sexisme et la pub. Zineb el Rhazoui critique – oui, et de belle manière – les insupportables manifestations de certain islamisme. Fabrice Nicolino regarde le monde en écologiste radical, mais humaniste. Sigolène Vinson détaille le quotidien absurde de tant de tribunaux. Luce Lapin défend avec une opiniâtreté sans borne les animaux, ces grands absents du débat. Antonio Fischetti raconte la science, les sciences avec drôlerie et impertinence. Philippe Lançon proclame chaque semaine la victoire de la littérature sur la télé.
Ouvrez donc ce journal! On ne peut que renouveler le conseil à ceux qui critiquent sans savoir.
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