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Une société de lecteurs (2) – TAFTA

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La campagne des élections européennes a posé la question de la qualité de l’information livrée à cette société de lecteurs qu’évoquait le sujet de composition du concours de bibliothécaire 2011  :

« Aujourd’hui, il semble difficile de concevoir une société juste, démocratique, qui ne soit pas une société de lecteurs et de lectrices.
Qu’en pensez-vous? »

Or les élections européennes ne sont pas un cas isolé ou une exception. Une émission de France Culture en mars (le 28) m’a permis de défricher un autre sujet dont personne ne parlait alors :

Libre-échange Etats-Unis / Europe : pourquoi une telle discrétion médiatique ?

Les États-Unis et l’Union Européenne mènent des négociations commerciales depuis juillet 2013 pour mettre en place un accord de libre-échange dans un très important nombre de domaines.

S’il voit le jour, cet accord pourrait avoir des conséquences non négligeables sur notre économie et nos vies.

La presse française est très discrète sur le sujet et ces négociations n’ont donc quasiment suscité aucun débat dans l’opinion publique lors de la semaine écoulée. L’occasion était pourtant belle d’en parler avec la venue de Barack Obama à Bruxelles.

Pourquoi si peu de médiatisation ?
Le sujet n’intéresse-t-il pas ?
Est-il trop complexe et technique ?
Est-ce de la paresse journalistique ?

A l’écoute de cette émission, on découvrait :

  • que le L’accord avec le Canada était séparé et est déjà signé,mais toujours pas rendu public
  • Que l’accord est actuellement en stand-by du fait du tollé soulevé en Allemagne, où les journalistes font leur travail
  • Que ce n’est pas commission qui a demandé le secret, mais les états-membres, dont la France.
  • Qu’en France, on se cache derrière des prétextes fallacieux (difficulté d’accès aux informations, technicité du sujet…) quand la vraie raison est une forme de paresse des rédactions : on ne sait pas comment y intéresser les gens, donc on préfère les petites phrases des politiques, parce ça on sait que ça fera vendre.
  • pour intéresser les gens, les angles d’attaque sont pourtant nombreux : bœuf aux hormones, bis phénol A, produits pharmaceutiques, tarifs bancaires, comparaison avec d’autres grands traités déjà en vigueur (alena, Eu-Corée, etc)
  • Un précédent existe : la directive Bolkestein, où les médias se sont réveillés quand la négociation était déjà terminée, et finalement les mêmes qui jouaient les frileux se sont autoproclamés en spécialistes du sujet.
  • Le problème le plus important du futur traité est l’instauration d’un tribunal arbitral où les entreprises pourraient attaquer les états. Cela signifierait la fin de la souveraineté pour 29 états (28 + USA) et 820 millions de personnes, représentant la moitié du PIB mondial.
  • La seule source d’information est sur Internet, en particulier sur la Quadrature du net (qui a l’expérience d’ACTA), mais il faut aussi se méfier des sites conspirationnistes, confortés par le silence des médias officiels. Ces derniers sont-ils encore le quatrième pouvoir?

Un mois et demi plus tard, le traité transatlantique s’est invité dans la campagne européenne à l’initiative de plusieurs des partis en lice. Les journalistes ont été obligés d’en parler, à défaut de pleinement faire leur job (quelques mots par ci par là dans les médias audiovisuels). Ce n’est pas surprenant étant donné que les européennes ne passionnaient pas non plus nos journalistes franco-parisiens. La presse écrite comme à son habitude a été plus méritante, mais pas de quoi fanfaronner pour autant.

Libération a lancé le bal en mettant le sujet en une (numéro du lundi 19 mai) et en y consacrant un vrai dossier de 5 pages. De quoi y voir plus clair et se faire sa propre opinion. Est-ce que ce n’est pas l’idée pour des médias d’information dans une démocratie saine?

Libe2014-05-19Le lendemain, l’Humanité lui emboitait le pas, et ce fut tout. Néanmoins en fouillant un peu, on arrivait à trouver quelques articles sur internet :

Les deux négociateurs en chef du traité TAFTA : Ignacio Garcia Bercero du côté européen, Dan Mullaney du côté américain

Aujourd’hui, les européennes sont terminées. Un sujet chassant l’autre (le score du FN, les affaires à l’UMP, la carte des régions, la réforme pénale, le D-Day et maintenant… la Coupe du monde de Foot au Brésil!) TAFTA est retourné dans le silence médiatique, tandis que les négociations se poursuivent à nouveau dans l’ombre.

Autre sujet qui lui n’est jamais sorti de ce silence médiatique, TISA :

« [TISA] instaurerait un environnement plus favorable à la privatisation des services publics et entraverait la capacité des gouvernements à remunicipaliser (nationaliser) les services publics ou à en créer de nouveaux. L’accord limiterait aussi la capacité des gouvernements à légiférer dans des domaines tels que la sécurité des travailleurs, l’environnement, la protection du consommateur et les obligations de service universel . »

Aujourd’hui, il semble difficile de concevoir une société juste, démocratique, qui ne soit pas une société de lecteurs et de lectrices. Quand ces lecteurs n’ont que la Pravda à lire, on peut légitimement s’interroger sur la justice et la qualité de la démocratie de leur société. TAFTA et TISA ne sont pas des indices très positifs pour la nôtre.

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