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Analphabétisme et postes Internet

Postes Internet à la Bibliothèque de la Bastide - Bordeaux

Le sens commun reconnait l’analphabétisme comme étant l’incapacité complète à lire et à écrire, le plus souvent par manque d’apprentissage. L’UNESCO donne une définition plus précise, mais qui a varié dans le temps :

  • 1958 : “une personne est analphabète si elle ne peut à la fois lire et écrire, en le comprenant, un énoncé simple et bref se rapportant à sa vie quotidienne.
  • 1978 : “Une personne est analphabète du point de vue fonctionnel si elle ne peut se livrer à toutes les activités qui requièrent l’alphabétisme aux fins d’un fonctionnement efficace de son groupe ou de sa communauté et aussi pour lui permettre de continuer d’utiliser la lecture, l’écriture et le calcul pour son propre développement et celui de la communauté.” C’est encore la définition actuelle.

En 1981, L’association ATD Quart-monde crée le terme « illettrisme », afin de différencier les Français pauvres aux compétences limitées en lecture et en écriture, et les travailleurs immigrés qualifiés d’analphabète. En effet pour ces derniers, c’est plutôt un problème de français langue seconde. “L’illettrisme désigne l’état d’une personne qui a bénéficié d’apprentissages, mais qui n’a pas acquis, ou a perdu, la maîtrise de la lecture, de l’écriture et du calcul.” (source Wikipedia)

En anglais, la nuance entre analphabétisme et illettrisme n’est pas aussi marquée. Les capacités de lire-écrire-compter sont recouvertes par le seul terme “literacy”. Pour prendre en compte la multiplicité des supports (non seulement le texte, mais aussi l’audiovisuel), le concept d’information literacy (IL) a été développé par les chercheurs dès 1989. Avec la démocratisation d’Internet et de l’hypertexte, le concept a fait florès. Il est passé dans la langue française sous la forme “littéracie”, au singulier ou au pluriel, selon le contexte, éventuellement flanqué d’un adjectif. Les canadiens utilisent l’expression ”éducation à l’information” (EI) comme un équivalent.

« L’Information Literacy [est] un ensemble de compétences permettant à un individu de reconnaître qu’il a besoin d’une information, et de savoir la localiser, l’évaluer, et l’utiliser conformément à ses besoins. »

Standards ACRL de l’American Library Association aux États-Unis

« Cette nouvelle capacité à trouver, critiquer et utiliser l’information dans la société de l’information est aussi importante que savoir lire et écrire l’était dans la société industrielle. »

Andrea Lunsford, Stanford

« La nouvelle fracture numérique n’est pas entre ceux qui peuvent s’offrir les machines et les services et ceux qui ne le peuvent pas, mais entre ceux qui savent les utiliser à leur avantage et ceux qui sont victimes de la surinformation. Ce n’est pas un problème entre ceux qui “possèdent” et les autres, mais entre ceux qui “savent” et les autres. »

Howard Rheingold, InternetActu.net le 15/01/2004

En effet, il ne suffit plus d’ânonner sur un article de journal ou de griffonner trois mots (le lire-écrire-compter du XIXe siècle) pour être un acteur citoyen de nos sociétés contemporaines, confrontées à l’inflation de l’information (infobésité). Il est indispensable d’exercer son esprit critique, notamment en recoupant ses sources. On peut maîtriser l’aspect technique des machines (clavier, souris, écrans tactiles : information skills) et être un analphabète de l’Internet (Information Literacy).

Vidéo : Pratique des jeunes sur Internet. Même les digital natives, qui maîtrisent instinctivement l’aspect technique, manquent de culture informationnelle. Cette vidéo est un peu optimiste car l’éducation à l’information est loin d’être enseignée partout. Ainsi, « en juin 2008, autour de 10 % des élèves de terminale ont obtenu le B2i lycée ; seulement 5 % des enseignants de lycées ont été impliqués dans sa mise en œuvre ». La majorité des internautes, jeunes et moins jeunes, vont toujours sur un nombre limité de sites auxquels ils sont habitués et recoupent insuffisamment leurs sources.

Les rédacteurs de l’édition 2010 du Métier de bibliothécaire considèrent encore l’accès à Internet comme un “service plus” (comprendre facultatif), par opposition aux “services de base” de la bibliothèque (p. 352) :

Les postes de consultation d’internet donnent au public […] la possibilité de consulter sa boîte au lettres électronique ou les sites de documentation en ligne.

[…] Certains établissements proposent également une possibilité de connexion, par le wifi, pour les utilisateurs portables des usagers. Ce service est très apprécié des étudiants mais aussi des touristes et gens de passage.

Notre bible à tous est à jour pour

  • la politique documentaire (eBooks, MP3, plateformes de streaming, consortiums CAREL et Couperin…)
  • et pour le positionnement des établissement sur Internet (“Le bibliothécaire qui communique sur internet doit donc avoir une vision juste des outils à sa disposition, très divers, mais qui ne sont là que pour amplifier l’offre de l’établissement”).

En revanche, le chapitre sur les postes Internet est totalement rétrograde, qui évoque même un accès payant – et pourquoi ne pas payer à chaque fois qu’on emprunte un livre ou qu’on consulte une revue sur place (il faudrait alors parler de location 🙂 ) : J’ai connu quelques bibliothèques rurales qui faisaient payer pour utiliser les ordinateurs, mais il y a des années qu’elles ne le font plus. De plus ce chapitre véhicule une idée des usages totalement anachronique : “consulter des sites de documentation en ligne” : typiquement Web 1.0. Les usagers ne devraient donc pas gérer leurs Facebook, Twitter, Babelio et autres Netvibes, ni tenir leur blog dans les murs d’une bibliothèque ? Il est vrai que la consultation de la boîte à mails n’est encore que tolérée et la messagerie instantanée interdite dans certains endroits très reculés : Internet, c’est le diable si c’est l’usager qui s’en sert.

Le professionnel de la bibliothèque qui a la responsabilité des ordinateurs est souvent un geek avec des compétences en animation. Il a en charge une cybercommune en Bretagne ou un Espace Public Numérique ailleurs. Force est de constater que ces appellations sont centrées sur le côté technique et pas du tout sur l’aspect informationnel. Un héritage de la mentalité NTIC, à l’instar du B2i, assuré… par le prof de techno! On mesure le chemin qui reste à parcourir quand on s’aperçoit que les bibliothécaires finlandais en charge des postes informatiques ne travaillent pas sur le numérique, mais sur… la media literacy :

« La bib de tampere a 14 personnes non pas sur le numérique mais sur la media litteracy #workshop (intéressante approche) »

On mesure encore plus le chemin pour les autres professionnels de la bibliothèque : « De là à dire que le plus gros problème en informatique se situe entre la chaise et le clavier, il y a un pas que je ne… Euh… Ben si quand même un peu…« . Ce problème n’est alors pas de nature informationnelle mais bel et bien technique.

“Merci en tout cas à FM pour cette jolie anecdote sachant que la scène s’est passée devant plusieurs lecteurs ! ” (cliquez sur le dessin pour connaître toute l’histoire)

Des bibliothécaires qui soufrent d’illectronisme, un comble ! Les postes informatiques ne sont pas près d’intégrer les services de base de la bibliothèque.

<MAJ du 8 octobre 2014 : alphabet numérique>
Une petite définition de la Digital Literacy en quatre minutes sur France Culture :

</maj>

2 commentaires sur “Analphabétisme et postes Internet”

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