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Nouveaux usages et politique (3)

La Loppsi et ACTA représentent des menaces potentielles sur le moyen/long terme. Il est encore possible qu’on ait pas à mettre l’écriteau dont je parlais dans mon précédent article. En revanche, Hadopi et son processus de riposte graduée a des répercussions dès à présent sur les bibliothèques, et plus largement sur tous les lieux d’accès publics à Internet. Lionel Morel a réalisé une excellente synthèse sur cette question sur son blog :: S.ILex ::

Je vous encourage à lire l’article en entier. Voici quelques extraits pour vous donner l’eau à la bouche, avec mes commentaires intercalés :

Hadopi = Big Browser en bibliothèque !

http://scinfolex.wordpress.com/2011/01/03/hadopi-big-browser-en-bibliotheque/

« […] Mais la coupure d’accès n’est pas le seul risque que fait courir la loi Hadopi aux personnes morales et à mon sens, ce n’est pas le péril principal. La pression exercée pour recourir à des moyens de sécurisation labellisés risque en effet d’avoir des conséquences bien plus graves sur l’accès public à Internet. C’est la conséquence du fait que la riposte graduée s’articule non directement autour du délit de contrefaçon, mais autour de la notion de négligence caractérisée dans la sécurisation de son accès à Internet.
[…]
Pour se mettre en conformité avec les attentes de l’Hadopi, [les bibliothèques devront] donc installer ces moyens de sécurisation sur tous les postes munis d’une connexion  internet, qu’ils soient mis à disposition du personnel ou des usagers, ainsi que des accès wifi.
[Les moyens de sécurisation sont des] logiciels [qui] analysent la navigation à partir d’un système de listes noires, grises et blanches[…] [et qui] garde en mémoire toutes les opérations effectuées à partir d’un poste [et] trace l’historique complet de tous les événements significatifs de l’ordinateur.
[…]
Chers bibliothécaires, sachez que vous êtes responsables, de plein fouet, pour tout ce que vos usagers (mais aussi vos collègues…) peuvent commettre à partir des connexions internet que vous mettez à leur disposition. Pour ne pas être accusés par l’Hadopi de négligence caractérisée, vous allez devoir installer des logiciels de sécurisation, et tant qu’à faire des systèmes labellisés, lorsqu’ils auront été homologués. Ces systèmes vont restreindre l’accès à Internet à partir de listes pré-établies. Ils vont en outre enregistrer tout ce que vos usagers feront à partir des postes. Si l’Hadopi vient à flasher une de vos adresses IP et à vous adresser un courrier d’avertissement, vous devrez lui apporter la preuve que vous aurez sécurisé vos accès et lui fournir les enregistrements opérés par le logiciel.
[…]
Nous savons bien combien il peut être difficile d’exercer le métier de bibliothécaire, et surtout le travail de médiation numérique, dans un environnement cadenassé. Voilà que la loi Hadopi vient à présent donner des arguments massues pour verrouiller et sur-verrouiller les accès à Internet dans nos établissements. Bien plus que la coupure d’accès, somme toute assez hypothétique, c’est d’emblée la « négligence caractérisée » qui risque de faire peur à nos tutelles et les pousser à mettre en place de manière préventive les moyens de sécurisation. »

On en revient à mon premier billet sur Nouveaux usages et politique : restrictions sur l’usage de clés USB, installation du plugin flash bloquée, ce qui interdit toute une série d’applications AJAX à la base du Web 2 : plus de slides sur les blogs, plus de vidéos sur Youtube et daillymotion, etc. Pour ce qui est de donner une image moderne des bibliothèques, c’est raté!

« la réapparition de « listes blanches » dans les spécifications fonctionnelles des moyens de sécurisation me fait craindre qu’on ne s’achemine tout droit vers un retour à cette réduction de l’internet public à la portion congrue. »

En 2009 le Gouvernement avait déjà avancé l’idée de mettre en place un système de « portail blanc » pour les accès publics à Internet, limité à un « Internet citoyen » correspondant à une liste fermée de sites consultables. Les professionnels s’y étaient déjà vigoureusement opposés. Alors qu’on était enfin parvenu à bannir la réduction d’Internet à ces listes de signets  devenues ridicules, voilà qu’on nous imposerait une liste de signets de l’extérieur! C’est encore pire que l’absence de Flash! Ce que je ne comprends pas, c’est que les bibliothèques ont abandonné les signets parce cela était devenu ingérable : il se crée des milliers de sites nouveaux par jour, et bien plus de mises à jours encore. Quand au filtrage automatisé, les logiciels de contrôle parental montrent des limites. Pour les listes noires, je peux encore imaginer que c’est possible, sur le modèle des logiciels de contrôle parental justement. Mais pour les listes blanches, je ne vois pas comment ce sera possible techniquement, sinon à réduire Internet à un web-croupion, comme on le voit dans les agences de Pôle-Emploi : site du Pôle-Emploi et sites de sa page de liens et c’est tout. Pas d’accès à la messagerie, pas de clé USB, pas de sauvegarde possible, pas même de traitement de texte . On peut voir des annonces et les imprimer, rien d’autre. Les postes informatiques de Pôle Emploi sont totalement inutiles pour bien des métiers. Heureusement qu’il reste les bibliothèques.

« Si mes craintes se confirment, on assisterait à un durcissement radical des conditions d’accès à internet en bibliothèque. L’IABD, dans une mise au point de cet été, avait tenu à rappeler que rien dans le cadre légal actuel ne nous oblige à filtrer a priori l’accès à internet, ni à identifier nos usagers. La CNIL, dans une fiche pratique sur son site, confirme cette analyse. »

Et pourtant, beaucoup de bibliothécaires ont des doutes sur le sujet, ce qui les rend vulnérables face aux arguments de leurs tutelles.

« on s’achemine vers un accès public verrouillé, cadenassé, surveillé et appauvri. »

Finalement, les effets de la LOPPSI et d’ACTA risquent de ne pas être ressentis par les bibliothèques du fait que les internautes n’auront aucun intérêt à consulter un Internet au rabais et auront déjà déserté les postes informatiques mis à leur disposition. On voudrait la mort des bibliothèques qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Et Lionel Morel de conclure :

« Il n’est peut-être pas encore trop tard pour dire NON à ce qui se prépare. »

Stop Big Brother
Stop Big Brother. Par charlesfettinger. CC-BY-ND. Source : Flickr

Malheureusement, son article extrapole les conséquences de décrets d’application déjà parus :

Il est donc trop tard pour dire non. Ce qu’il faudrait, c’est imposer une marche arrière au système, ce qui est beaucoup plus difficile… mais pas impossible. Voilà pourquoi il faut rester mobilisés à la fois vis à vis d’HADOPI, de la LOPPSI et d’ACTA, ne serait-ce qu’en diffusant l’information à l’ensemble de la profession. C’est le sens du logo clignotant dans ma barre de menu à droite, présent depuis l’origine sur ce blog. C’est tout ce que je peux faire à mon humble niveau.

Afficher ce type bandeau, cela donne bonne conscience, mais ne fait aucunement avancer les choses. Ce qu’il faudrait, c’est amener ces débats sur la scène publique. Le filtrage gouvernemental d’Internet et sa marchandisation, cela concerne tout de même une population plus vaste que le petit cercle des bibliothécaires et archivistes, il me semble. Pourtant, comment les opinions publiques pourraient-elle faire pression sur leurs élus si personne ne les informe? Il ne faudrait pas croire que M. Tout-le-monde passe son temps sur nos biblioblogs à l’audience, reconnaissons le, extrêmement restreinte, écrits par et pour les biblioblogueurs.

Comment se fait-il que les médias de masse n’aient jamais évoqué ni l’article 4 de la LOPPSI, ni ACTA? Je n’ai entendu le mot LOPSSI qu’à propos de l’interdiction de l’habitat alternatif (reportage avec des Yourtes) et la légalisation des milices privées (reportage sur les fermetures de compagnies de CRS). Quand à ACTA : RIEN! N’y a-t-il aucun journaliste de télévision, de radio ou à défaut de presse écrite parmi les relations de l’IABD, de la quadrature du net et de nos associations professionnelles? N’y a-t-il aucune ONG, organisation altermondialiste, parti politique ou autre qui pourrait relayer l’information? Quand ACTA sera-t-il traité à la grand-messe du 20 heures?

1 commentaire pour “Nouveaux usages et politique (3)”

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