Libération a réalisé une infographie des différents mots clés utilisés sur Twitter en relation avec les attentats de Paris en une semaine :
Les réseaux sociaux ont en effet été partie prenante de chaque étape du feuilleton “Je suis Charlie”… à commencer par le mot clé lui-même : C’est un lyonnais qui en est à l’origine :
L’auteur de la bannière a été identifié par Le Progrès: il se nomme Joachim Roncin et est directeur artistique et journaliste musical pour le magazine Stylist. Il est le premier a avoir publié ce logo sur Twitter mercredi à 11h52, moins d’une heure après la fusillade.directeur artistique et journaliste musical pour le magazine Stylist qui est le premier a avoir publié le fameux logo sur Twitter mercredi à 11h52, moins d’une heure après la fusillade.
#CharlieHebdo et #JeSuisCharlie ont servi de points de repères non seulement pour compter les soutiens, mais aussi pour l’organisation des premiers rassemblements spontanés le premier jour :
Anonymes, célébrités, organes de presse, journalistes, hommes politiques, en français, en anglais: à 17H00, le hashtag #jesuischarlie avait déjà été utilisé 235.520 fois. Tandis que la page Facebook «Je suis Charlie» avait recueilli au même moment plus de 94.000 «like», relayant des appels au rassemblement à Paris et dans d’autres villes en France
Mais les attentats de Paris ont aussi suscité des messages haineux sur les réseaux sociaux. Le ministère de l’Intérieur a compté la semaine dernière plus de 3.700 messages faisant l’apologie du terrorisme. Or jusqu’il y a peu, il était très difficile de faire faire appliquer le droit français par les responsables des réseaux américains Facebook et Twitter. Certains propos interdits en France sont couverts par le premier amendement de la constitution américaine.
Inversement, les deux réseaux censurent sans finesse toute représentation de nudité. C’est ainsi par exemple que des comptes Facebook ont été censurés parce qu’ils montraient “L’Origine du monde” de Courbet. J’ai fait un test avec les photos de quelques manifestants dans le plus simple appareil dans les commentaires d’un groupe Facebook : j’ai reçu un message gratiné de Facebook qui montre que la firme de Mark Zuckerberg est très chatouilleuse et ne plaisante pas. Étonnamment, la poitrine d’une manifestante soixantenaire est passée au travers du filtre et est toujours en ligne à ce jour, au bout de près d’un an.
Cela a donné des idées à un fabriquant de maillots de bain :
Si le blasphème ne fait plus partie du droit français et permet donc les caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo, la liberté d’expression ne couvre pas tout. C’est qui différencie un Cabu ou un Wolinski d’un Dieudonné. Ce que dit la loi :
La loi du 13 novembre 2014 renforce les mesures concernant la lutte contre le terrorisme. Dans la qualification des actes d’apologie du terrorisme, l’utilisation d’Internet est devenue une circonstance aggravante. L’article 421-2-5 du code pénal explique que « le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 € d’amende« , et précise que « les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100.000 euros d’amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne« .
L’incitation à la haine et le révisionnisme sont traités dans la Loi Gayssot tandis que la pédophilie en ligne est l’objet de l’article 227-23 du code pénal. De plus, la plupart des contenus dépendent de la loi sur la liberté de la presse (diffamation, injures, discriminations, racisme…). Notons au passage qu’une différence est faite entre la critique des idées et des symboles, permise, et celle des personnes et des communautés, qui tombe sous le coup de l’injure ou de la diffamation. Enfin, la caricature, la parodie et le pastiche sont des exceptions françaises au droit d’auteur qui rendent possible le travail des auteurs de Charlie Hebdo, exception qui n’existe pas partout dans le monde.
Or depuis la jurisprudence Twitter – UEJF – AWJ (suite au mot clé “unbonjuif”), les sociétés américaines sont devenues beaucoup plus accommodantes avec les autorités françaises, en fournissant l’identité des auteurs de contenus problématiques, ce qui permet de les poursuivre pénalement :
Selon des chiffres communiqués par le ministère de la justice, trente-sept procédures sont en cours pour « apologie du terrorisme » et douze autres pour des menaces d’actions terroristes, depuis l’attentat à Charlie Hebdo.
Mercredi 14 janvier, une enquête avait été ouverte pour une vingtaine de cas, huit personnes ayant reçu des convocations devant un officier de police judiciaire, huit autres devant passer en comparution immédiate, tandis que trois étaient encore en garde à vue. Seules cinq condamnations ont pour l’instant été prononcées, et les peines sont très lourdes.
Ajoutons que sur Facebook, le message sera considéré comme privé ou public en fonction du nombre de personnes qui y ont accès, ce qui change notablement les peine encourues.
Pour qu’un message soit étudié et son auteur éventuellement jugé, encore faut-il que ce message soit identifié.
Les plateformes ont toutes aujourd’hui des systèmes de signalement qui leur permettent de localiser des contenus potentiellement en contradiction avec leur condition générales d’utilisation. Typiquement : une poitrine dénudée sur Facebook (mais pas les appels au viol ou les vidéos de djihadistes!) ou des questions de droits d’auteur sur Youtube. Au bout d’un certain nombre de signalements (plusieurs signalements et par plusieurs internautes), le message est évalué par des salariés et éventuellement supprimé : c’est une modération à postériori extrêmement coûteuse, complexe… et largement à la tête du client, comme en témoignent le cas de Rihanna avec Instagram et surtout les exemples nombreux et répétés de copyfraude et d’instrumentalisations du droit d’auteur, notamment sur Youtube.
Pour qu’un contenu soit évalué pénalement, il faut qu’il soit porté à la connaissance du ministère de l’intérieur. Celui-ci a mis en place une plateforme signalement, PHAROS :
- Si une vérification est possible sur Internet, le contenu signalé est tout d’abord visualisé.
- Il est ensuite procédé à sa qualification juridique : est-ce une infraction à la loi ?
- Si le contenu ou le comportement signalé est illicite, le signalement est orienté vers un service d’enquête de la Police Nationale, de la Gendarmerie Nationale, des Douanes ou de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes. Une enquête pénale peut être ouverte, sous l’autorité d’un Procureur de la République.
- Si le contenu signalé est illicite mais conçu à l’étranger, il est transmis à Interpol qui l’oriente vers les autorités judiciaires du pays concerné.
France Info indique cependant que les messages haineux concernant les attentats de Paris sont largement minoritaires :
Ce lundi, « l’ensemble des tweets qui traitent des attentats est de dix millions de tweets, ce qui est un record pour la langue française », explique-t-il, « parmi ces dix millions de tweets, #jesuisKouachi ne représente que 35.000 tweets, c’est-à-dire environ 0,3% de la totalité ».
En outre un tiers de ces 35 000 tweets utilise #JesuisKouachi pour le dénoncer et la plupart des 70% restants proviennent d’un petit nombre de comptes.
Après les grands rassemblements de dimanche on pourrait penser que le rôle des réseaux sociaux va se terminer concernant la mobilisation pour Charlie Hebdo. Pourtant il reste une question : Près de quatre millions de personnes dans la rue, et après? Maintenant on fait quoi? Et bien ce sont les derniers hashtags.
#EtMaintenant est apparu sur les réseaux dès dimanche :
L’Obs a repris le mot clé à son compte pour poursuivre le débat sur ses pages :
« L’Obs » veut favoriser ces échanges d’idées et d’expériences. Grâce à une page ad hoc : « Et maintenant? » [réservée aux abonnés]
Chers lecteurs, exprimez-vous dans les commentaires des articles, postez vos contributions sur notre espace participatif Le Plus pour faire vivre le débat.
- #EtMaintenant, que fait-on pour que l’horreur ne se reproduise pas ?
- #EtMaintenant, que fait-on pour que la société repère les dérives de ses enfants avant qu’elles ne deviennent meurtrières ?
- #EtMaintenant, que fait-on pour que la République retienne dans son giron ceux qui, à force de relégations, ne s’y retrouvent plus ?
Comme l’a titré « l’Obs » au lendemain des attentats, le combat continue ! A vous !
Quand à #OnFaitQuoi, il s’agit d’une initiative de France Info et Libération :
Chaque jour, autour d’un thème ; sécurité, éducation, religion, vivre ensemble… : un dossier spécial à retrouver dans les pages du journal Libération et sur France Info : à 7h15 dans « le 6h/9h30 » de Fabienne Sintes, dans « le 12h/14h » avec un débat animé par Raphaëlle Duchemin et avec le rendez-vous d’Olivier de Lagarde, « Un monde d’idées » (9h55, 14h25 et 19h25).
Puis, dès 17h, avec Ersin Leibowitch, France Info installe son studio en direct d’un lieu emblématique du thème du jour, au plus près des Français, avec : la rédaction de Libération dont Laurent Joffrin, directeur de la rédaction et Johan Hufnagel, directeur des éditions, les reportages de France Info et de nombreux invités.
Un sujet qui se prolonge en débat dès 20 heures dans « Les informés de France Info » avec Jean-Mathieu Pernin.
- Mardi 13 janvier 2015 : La sécurité à quel prix ?
- Mercredi 14 janvier 2015 : L’islam de France doit-il se réformer ?
- Jeudi 15 janvier 2015 : L’école transmet-elle les valeurs de la République?
- Vendredi 16 janvier 2015 : Banlieues et vivre ensemble
- etc
Enfin Ouest-France a mis en place une plate-forme appelant les citoyens à s’exprimer, sans hashtag particulier :
Quelles suites les responsables politiques, associatifs, culturels, éducatifs, religieux et, plus globalement, le peuple français peuvent-ils donner à cette mobilisation sans précédent contre la barbarie et pour plus de fraternité ?
#jesuischarlie, #charliehebdo, #JesuisKouachi, #etmaintenant, #onfaitquoi : le résumé d’une semaine d’actualité à la veille de la sortie du prochain numéro de Charlie Hebdo. Ensuite un nouveau Charlie Hebdo qui reste à définir va voir le jour. Sera-ce le cas pour la société française, une nouvelle société qui reste à définir?
Lisez aussi :
<MAJ du 6 février : le rôle des bots>
Un mois après Charlie, Internet est sous haute surveillance :
- Plate-forme Pharos
- Site et vidéo stop-djihadisme
- Blocage administratif des sites faisant l’apologie du terrorisme
- Contrôle des messages de haine
Or voila qu’on en apprend une belle grâce à France Info :
Sur Twitter, les spécialites de l’analyse ont pu se rendre compte que le réseau social n’avait pas servi massivement à relayer des propos illicites. Certains hashtags haineux ont en fait été générés par des robots. Selon Linkfluence, une entreprise spécialisée dans l’analyse du web social, sur un échantillon de 13.000 messages postés avec #JeSuisKouachi, aucun n’était crédible.
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