Selon M. Rebsamen, Pôle emploi ne contrôle pas les chômeurs. Pourtant, selon Jean-Pierre Elkabbach, au micro d’Europe 1, 30% des chômeurs ne chercheraient pas à retrouver du travail. D’où sort ce chiffre s’il n’y a aucun contrôle? Qui sont ces chômeurs fraudeurs fantômes?
Le Monde et Libération ont fact checké. Le quotidien du soir rapporte une expérience menée dans quatre régions (Poitou-Charentes, Haute-Normandie, PACA et Franche-Comté) avec des équipes dédiées au contrôle :
Chaque jour, les conseillers reçoivent une liste de chômeurs à contrôler. « Nous examinons d’abord si le chômeur a suivi tous les projets d’accompagnement, s’il a créé un espace personnel en ligne, s’est abonné aux offres. Il y a ensuite un entretien téléphonique. Si les éléments ne sont pas satisfaisants, nous lui envoyons un questionnaire en lui demandant des pièces justificatives, comme des mails de candidature ou une copie de son journal de bord de recherche d’emploi. En cas de non-réponse, ou pour ceux qui ne font aucune démarche ou qui nous mènent en bateau, nous prononçons une sanction de quinze jours de radiation »,
[…]
la part des chômeurs radiés après ces contrôles est de 6,47 % dans les agences test de Manosque (Alpes-de-Haute-Provence) et Toulon. Plus de 2 600 chômeurs avaient été contrôlés entre juin 2013 et février 2014 sur ces deux agences.
6.47 %, on est loin des 30 % de M. Elkabbach.
Libération ajoute qu’au niveau national,
[Les] radiations (525 800 l’an dernier) ne concernent pas uniquement les chômeurs sanctionnés pour non recherche. La cause la plus fréquente de radiation de la liste des demandeurs d’emploi ? Les «absences à convocation», c’est-à-dire le fait de ne pas se rendre à un entretien avec son conseiller. Elles représentaient 90 % des radiations contestées auprès du médiateur de Pôle emploi au premier semestre 2012. «A contrario, les absences pour insuffisance de recherche d’emploi sont rares», relevait le médiateur de Pôle Emploi dans son dernier rapport, les évaluant à 2% des radiations.
2% de 525 800, soit 10 516 personnes, à rapporter aux 5 millions de chômeurs que compte le pays. Tout comme la fraude aux allocation (0.15%), la non-recherche d’emploi représente donc Epsilon.
Les assertions gratuites de M. Elkabbach ne sont pas dignes d’un journaliste. S’il faut se mettre à fact checker les journalistes, alors faisons-le. Après tout, pourquoi les politiques seraient-ils les seuls à dire des ânerie?
Pourquoi reprendre Jean-François Copé quand il affirme que les 35 heures coûtent 20 milliards à la France et pas Yves Thréard quand il dit (ou écrit) la même chose? Pourquoi un fact-checker reprendrait Jean-Luc Mélenchon quand il dénonce une hausse de 30% des dividendes… et ne corrigerait pas la une de Libération qui donnait le même chiffre
Mais pour les éditocrates comme pour les politiques, le principal problème reste que le fact-checking se fait à postériori, dans des médias différents de ceux où les erreurs ont été commises. Je rêve du jour où le fact-checking en direct sera la norme, où un Elkabbach ou un Thréard se feront taper sur les doigts en direct par l’animateur en cas d’assertion gratuite et/ou mensongère.
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