Malgré les fake news, on découvre qu’une frange de plus en plus importante de la population se contente des réseaux sociaux comme source exclusive d’information. Après Charlie, on a pu penser que les seuls à se fier aveuglément aux réseaux sociaux et aux sources « alternatives », par défiance envers les sources « officielles », étaient certains lycéens. Deux élections sont venues montrer que le phénomène était en fait déjà beaucoup plus répandu : celle qui a conduit au Brexit au Royaume-Uni (post-vérité), et celle de M. Trump aux USA (faits alternatifs). Au point que France Culture s’est demandé « Pour qui les GAFA vont-ils nous faire voter? »
Comment faire face?
Solution 1 : Que soufflent les vents d’un Internet civilisé
En 2006, un an avant que Nicolas Sarkozy fasse de l' »Internet civilisé » son cheval de bataille, le ministère chinois de la communication avait lancé un programme poétiquement nommé « Que soufflent les vents d’un Internet civilisé ». Il prévoyait le blocage par les fournisseurs d’accès à Internet des sites jugés amoraux ou politiques.
Dernier avatar de cet internet civilisé, autre nom pour la censure, l’extension du délit d’entrave à l’IVG au numérique :
Il est cocasse de voir les partisans d’un « internet civilisé » se transformer en chantres de la liberté d’expression sur le web quand c’est un de leurs fonds de commerce électoral qui est touché. Qu’on pense à Trump qui se prépare à stopper les financement des équivalents du planning familial aux USA, ou a Fillon qui avoue sans sourciller qu’à titre personnel, il ne peut pas approuver l’avortement… ou même aux fous-furieux qui voudraient censurer tout ce qui ne leur plait pas au cinéma (Sausage Party, Billy Eliot, etc) ou dans les bibliothèques (Tous à poil)
Néanmoins, je suis dubitatif sur cette loi qui vient juste d’être votée. Donc, les sites anti-IVG viennent de rejoindre les sites pédophiles ou terroristes qui sont l’objet d’une censure tout à fait compréhensible, sans compter les sites de partage comme Zone Téléchargement ou Megaupload. Mais demain? A trop multiplier les catégories à censurer, même avec les meilleures intentions du monde, on multiplie d’autant les précédents. Aujourd’hui, la gauche censure les sites anti-IVG, et demain la droite, forte de ce précédent, pourra censurer à son tour ce qui ne lui plait pas? Je ne parle même pas de l’extrême-droite. A quel moment s’arrêter? Utiliser l’argument de la diffusion de fausses information comme le fait Mme Rossignol est dangereux, car elles sont nombreuses, les sources qui diffusent de fausses informations, dans un grand nombre de domaines (révisionnisme, créationnisme, conspirationnismes, etc) sur un grand nombre de supports, et pas uniquement en ligne (web/livres/magazines/radio/TV/etc).
C’est peut-être aux pouvoirs publics d’expliquer les missions du planning familial à la population, que ce soit par de l’affichage dans les locaux de la CAF, ceux de la Sécu, dans les hôpitaux publics, ou dans les médias en général. ivg.net est donc interdit. Combien on parie pour que ses contenus refassent surface sous les noms de domaine ivg.org ou ivg.fr? C’est un jeu du chat et de la souris qui peut durer longtemps, car bien évidemment, le planning familial n’a certainement pas pensé à louer la plupart des noms de domaines que les anti-avortement pourraient prendre!
C’est peut-être aussi au planning familial de mieux travailler son référencement naturel (SEO) pour arriver devant ivg.net dans les résultats des moteurs de recherche après une requête « ivg »? Et à l’Etat de lui en donner les moyens?
« Les gens de ivg.tartempion font des campagne Adword (SEA), ce sont des méchants. » Qu’est ce qui empêche le planning familial d’en faire autant? Les anti-avortement s’organisent en réseaux (SMO) pour faire des campagnes de clics. Qu’est-ce qui empêche les réseaux féministes d’en faire autant?
Pour mémoire : SEM = SEO + SEA + SMO
<edit du 17 décembre 2017>
- Huit mois après son l’interdiction, ivg .net et son numéro vert arrivent toujours troisièmes dans les résultats de Google sur la requête « ivg« . Et il s’agit bien du même site anti-avortement, avec des témoignages du type Céline 31 ans : avorter histoire d’arranger « tout le monde ».
- Quand on tape ivg.fr dans Google, avortementivg .com un autre site anti-avortement arrive second, juste devant ivg .net.
- Quand on tape ivg.org dans Google, c’est un autre numéro vert, ecouteivg .org, avec les mêmes témoignages de gens qui « ont finalement décidé de garder le bébé » qui arrive en tête, devant le site du gouvernement, ivg.gouv .fr
- Enfin, quand on tape ivg.com directement dans la barre d’adresse, on s’aperçoit que ce nom de domaine est à vendre.
Non seulement la loi n’a pas été appliquée, mais le travail d’amélioration du SEO reste très incomplet concernant le site du gouvernement à propos de l’ivg.
</edit>
Ce serait autrement plus censé que les velléités de « nettoyer internet« , façon Vietnam ou façon Chine, de tout ce qui contrevient à une loi française, qui n’est que l’une parmi les 198 législations d’autant de pays (sans compter les états fédéraux). Cette idée aux relents « d’internet civilisé« , expression inventée par les chinois dès 2006 et reprise en France entre 2007 et 2011, n’est pas à la hauteur de l’après Charlie ni de l’après 11 janvier. Outre l’apologie du terrorisme, cela vaut aussi pour la fachosphère, à propos desquels ont parle également de nettoyage d’Internet.
Pour aller plus loin :
- L’impossible et controversé blocage des sites Internet djihadistes – Le Monde, 13 septembre 2014
- Répression d’internet : la carte des coupures politiques – France Culture, 12 mars 2017
- Liberté sur Internet: 67% des internautes vivent sous la censure d’Etat – 20 minutes, 16 novembre 2016
- Liberté sur Internet : reculs notables en Libye, en Ukraine et en France – 20 minutes, 28 octobre 2015
- Classement mondial de la liberté de la presse – RSF
- Reporters sans frontières (RSF) : https://rsf.org/
- Amnesty international : https://www.amnesty.ch/
Lisez aussi le dossier :
- Fake news, Canards et algorithmes, l’ère de la post-vérité?
- Solution 1 : Que soufflent les vents d’un Internet civilisé
- Solution 2 : Fake news vs fact-checking
- Solution 3 : Extensions logicielles : Decodex et anti-decodex (à venir)
- Solution 4 : Des algorithmes pour réduire la visibilité des fake news (à venir)
- Solution 5 : L’éducation aux médias à l’ère de la post-vérité (à venir)
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