La Déclaration sur l’accès à l’information et au développement adoptée au congrès Lyon 2014 de l’IFLA avait suscité un certain nombre de critiques. En effet, l’objectif affiché pour la mise en discussion d’un traité international au niveau de l’OMPI, consacré aux exceptions et limitations en faveur des bibliothèques et archives semblait placer les bibliothèques hors de la guerre au partage menée par toutes sortes de lobbies (des ayants-droits aux multinationales en passant par les sociétés de répartition) à tous les échelons décisionnels :
se concentrer sur les exceptions au droit d’auteur comme le font les représentants des bibliothèques revient à ignorer que le problème majeur ne se situe pas aujourd’hui dans les marges, au niveau des exceptions, mais dans le principe même. La phrase « Digital Is Not Different » n’est plus valable, car Internet a introduit une rupture majeure en terme de diffusion de la création, débouchant sur des pratiques massives de partage des oeuvres entre individus par le biais du réseau. Cette question du partage, réprimé et stigmatisé comme une forme de « piraterie » alors même qu’elle est très largement répandue socialement, ne peut pas être écartée par les bibliothèques comme si elle ne les concernait pas. Comme tous les acteurs culturels, les bibliothèques sont plongées dans ce paradigme et elles ne peuvent ignorer la « guerre au partage » qui fait rage autour d’elles.
Nous en étions là, quand est sorti le dernier numéro de Bibliothèque(s), la revue de l’ABF (n°76, octobre 2014) : Bibliothèques et communs de la connaissance. Voila un singulier changement de paradigme pour la profession.
Silvère Mercier se réjouit de ce choix :
Il est inédit et très important que la principale association de bibliothécaire donne un coup de projecteur sur les communs de la connaissance, ne boudons pas notre plaisir!
On retrouve donc dans ce numéro des thèmes que l’on croise depuis longtemps dans les réseaux sociaux et les blogs quand on réalise une veille métier : enclosures, copy parties, bibliobox, logiciels libres… Mais bien peu dans la littérature professionnelle. Au Sommaire :
- Communs de la connaissance : de quoi parlons-nous ? par Hervé Le Crosnier
- Communs de papier par Hervé Le Crosnier
- Commun vs enclosures Quand les bibliothèques publiques verrouillent l’accès aux biens communs informationnels par Lionel Maurel
- Le domaine public consacré par la loi par Pierre-Carl Langlais
- L’utopie du Métronome par Vincent Chapdelaine
- Wikipédia et bibliothèques Une production commune des savoirs ? par Rémi Mathis
- Une copy partie c’est quoi ? par Solène Dubois
- Les Bibliobox : une valorisation des communs en bibliothèque par Thomas Fourmeux
- Choisir la liberté Le logiciel libre, potentialités et mises en pratique par Julien Devriendt
- Le droit de lire numérique par Vincent Bonnet
- Communs et politique publique du numérique à Brest par Michel Briand
- La Licence ouverte à la Bibliothèque interuniversitaire de santé par Jean-François Vincent
- Photographier au musée, entre légitimité et barbarie par Julien Dorra
Parmi les auteurs on aura remarqué plusieurs noms de personnes qui tiennent des biblioblogs assez peu axés sur les livres : :: S.I.Lex :: (Lionel Maurel) , Sciences communes (Pierre-Carl Langlais), A la toison d’or (Rémi Mathis), Biblio Numericus (Thomas Fourmeux)… Tant que la réflexion s’en tenait aux blogs, les réfractaires pouvaient traiter leurs auteurs d’Ayatollahs du numérique. Maintenant que Bibliothèque(s) en parle, ils vont devoir lever le nez de leur guidon et élargir leurs horizons au delà du livre et de la lecture.
Un bonheur n’arrivant jamais seul, Arabesques la revue de l’ABES se tourne également vers ce thème au sein d’un dossier « Enrichir pour partager – Les bibliothèques dans l’économie de la connaissance ». Le premier article est encore de Lionel Maurel :
- Bibliothèques et économie(s) de la connaissance : quelles valeur?, Lionel Maurel
- Modèles économiques et économie de la connaissance : approches du GFII, Olivier Delteil et Ruth Martinez
- Acquisitions Istex : traiter et enrichir les données, Marion Grand-Démery
- L’ISNI prend son essor, Pauline Chougnet
- Articulation ISNI-IdRef : un enjeu pour l’identification pérenne, François Mistral
- L’ISSN en mutation, Gaëlle Béquet
- La fouille de textes au service de la documentation, Mathieu Roche et Sophie Fortuno
- Metadata mining : fouiller les données des catalogues ?, Gildas Illien
- Des données ouvertes sur l’enseignement supérieur et la recherche, Emmanuel Weisenburger
- Des publiothèques universitaires ?, Olivier Legendre
- La veille informationnelle : enjeux et évolutions, Frédéric Martinet
Hervé Le Crosnier écrivait déjà un article sur ce thème dans le n°74 de la revue de l’Abes :
- Domaine public et communs de la connaissance : un enjeu pour les bibliothèques,
Alors que les réseaux sociaux bruissent d’une sourde contestation sur l’accord récemment signé entre Couperin et Elsevier, la montée officielle d’un réflexion sur les communs de la connaissance, dont l’Open access est une composante, est salutaire. Peut-être que dans cinq ans, on y réfléchira à deux fois avant de re-signer avec Elsevier.
Deux auteurs du dernier numéro de Bibliothèques, Thomas Fourmieux et Lionel Morel étaient les invités de la web-émission 14h42 (émission de PC impact et Arrêt sur image). Ils sont connus pour la chronique hebdomadaire « Copyright Madness » sur Numerama. Plusieurs thématiques ayant trait aux communs de la connaissance ont été bordées au cours de l’entretien : robots de blocage de contenus de Youtube, brevets de procédés de vente d’Amazon, enclosures, patent trolls, copyfraud, brevets sur le vivant, CGU sur les sacs de graines, détournement du droit des marques… vs droits des lecteurs et du public, biens communs et domaine public, piratebox, droit à la culture, légalisation du partage.
Les bibliothèques ne peuvent accueillir toutes les problématiques des communs de la connaissance… Mais elles doivent en prendre dignement leur part. Pas parce que Bibliothèque(s) le dit, mais parce que c’est un aspect inhérent au métier de bibliothécaire.
<MAJ du 26 mars 2015 : Internet est-il un bien public ?>
La Grande table (2ème partie), France Culture 10-03-2015 (35 min)
C’est à partir d’un sujet d’actualité que ce questionnement autour de la nature du bien que représente internet nous est apparu. Le 26 février dernier, l’agence de régulation des télécommunications américaine a entériné le principe de la neutralité du net, et il semblerait que c’est un décision éminemment politique. C’est à ce sujet que nous questionnerons les spécialistes assis à notre table ce mardi.
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