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La Chine, l’autre pays d’internet

Alibaba

Benjamin Bayart, ancien président de l’association French Data Network et cofondateur de la Quadrature du net était l’invité de France Culture cet après midi. Il nous a narré l’histoire des autoroutes de l’information :

Fin des années 1950 début des années 60, les Etats-Unis ont décidé de mettre l’accent sur le cinéma et d’utiliser l’industrie cinématographique, d’abord comme industrie d’excellence et ensuite comme moyen de répandre leur culture dans le monde et de s’imposer : une forme d’impérialisme. De la même manière, le moment où Al Gore lance les grand programmes d’investissement dans ce qu’il appelle les autoroutes des l’information [milieu des années 1990], ça correspond au moment où les Etats-Unis décident d’être dans l’excellence et dans la domination en matière d’Internet, de données, de programmes, de numérique, de diffusion de l’information. […] L’objectif est très clair, ils veulent que ce soit un pan majeur de l’économie à venir et ils veulent être les maîtres incontestés du monde de ce pan majeur de l’économie, et force est de constater qu’ils y ont parfaitement réussi. Ils se sont donné les moyens, ce n’est absolument pas par hasard ».

En avril dernier, BFM avait consacré plusieurs numéros de l’émission Les décodeurs de l’éco à l’Internet chinois, dans une série intitulée : La Chine va-t-elle devenir l’autre pays de l’internet ? Les cinq fichiers ont déjà quitté les serveurs de la chaîne (1, 2, 3, 4, 5), mais j’avais fait un résumé sur Facebook à l’époque :

Si le titre est interrogatif, le contenu du numéro d’aujourd’hui des décodeurs de l’éco sur BFM radio montre que c’est déjà la cas : Renren, Tencent, Baidou, Alibaba, Weibo, QQ… sont des poids lourds d’Internet aussi importants que les Facebook-Amazon-Apple-Google occidentaux (GAFA).
Par exemple, Alibaba (le plus gros groupe de e-Commerce du monde) pèse autant que Amazon, Paypal et eBay réunis. Pour comparer avec le commerce traditionnel, Alibaba distance déjà Carrefour (n°1 européen) et est en passe de dépasser Wall-Mart (n°1 mondial).
Il y a déjà 600 millions d’internautes chinois, dont 75% via leur mobile (500 millions de mobinautes). Les téléphones chinois sont aujourd’hui plus performants et offrent plus de services que les smartphones occidentaux. Par exemple la vidéo y est quatre fois plus performante que notre HD.
A l’instar de la Chine, la Russie et le Brésil ont également leurs propres écosystèmes internet.

Depuis, Alibaba est entré en bourse, réalisant à la fois la plus grosse introduction Hight-Tech en bourse de l’histoire et la plus grande valorisation pour une société chinoise (223 G$). Les médias en ont pourtant beaucoup moins parlé que quand Google (23 G$ à son introduction en 2008) et surtout Facebook (104 G$ en 2012) s’y sont essayés en faisant moins bien.

Alibaba : le plus gros site de e-commerce du monde, la plus grosse introduction Hight-Tech boursière de l’histoire est… chinois., et déjà présent en France.

Le mois dernier, la nouvelle rubrique de l’émission Soft Power, « L’alphabet numérique« , se penchait sur le sujet et apportait les mêmes informations sur le poids croissant des grand groupes chinois de l’internet, précisant en outre, que les Chinois n’avaient cloné les groupes US que dans un premier temps, avant de développer des nouveaux services de leur cru. Aujourd’hui ce sont les Américains qui clonent certaines fonctionnalités développées par les sites chinois. On apprend aussi que Baidu se développe en Afrique, avec des services développés en association avec Orange.

La montée des sites chinois se reflète également dans les classements mondiaux mêlant fréquentation et volumes de ventes tels qu’Alexa : en 2009, le top sites comprenait 3 sites non-occidentaux. Aujourd’hui, ce même top 20 compte 8 sites chinois et un russe.

Équivalences entre les marques chinoises et US :

Préparez-vous à apprendre le mandarin

On voit donc que les Chinois se sont donné les moyens eux-aussi, à l’instar des Américains 20 ans plus tôt. Ce n’est absolument pas un hasard si leurs groupes Hight-Tech se préparent à titiller Amazon et ses concurrents hors de Chine.

Et en Europe? C’est Benjamin Bayart qui donne l’explication :

« J’ai vu très souvent des directeurs marketing de très grosses entreprises autour du numérique ne rien comprendre à ce qu‘ils vendent juste parce qu’ils ne sont pas utilisateurs des produits. Ça n’aide pas. »
« Quand on ne sait pas lire, on a du mal à croire qu’il y a des gens que ça puisse intéresser de savoir lire. C’est le fond du problème »

En effet, c’est le fond du problème. Benjamin Bayart ajoute que la majorité des dirigeants des grand FAI sont des nouveaux venus dans le monde d’Internet. Ce ne sont pas des passionnés, ce ne sont pas des gens qui baignent dans le réseau depuis 20 ou 30 ans et qui en sont imprégnés par tous les pores de leur peau.

En France, le dernier rapport du CNNum (Conseil national pour le numérique) concernant l’éducation est l’indice de cette même incompréhension de nos têtes pensantes, qui n’est donc pas limitée aux dirigeants de FAI. Si tout n’est pas à jeter dans ces recommandations, la proposition n°3, d’ajouter une nouvelle filière, Humanités numériques en parallèle des filières existantes du bac (L, ES, S), casse l’esprit du reste du rapport. Personne n’a vu que les autres propositions visent à faire infuser le numérique partout, dans toutes les matières déjà enseignées, dans toutes les filières, avant et après le lycée, ce qui serait la bonne méthode. Mais pour cela, il faudrait se donner les moyens. On est encore loin des autoroutes de l’information d’Al Gore.

Le fleuron de la télématique à la française. Image glanée sur Facebook. Commentaire d’un internaute : « Le gros fake ! Genre, au Moyen Âge y’avait l’électricité !? »

Lisez aussi :

<MAJ du 09 octobre 2014 : Et Meetic alors?>

Depuis le Minitel, la France a tout de même produit Xavier Niel (Free), Marc Simoncini (ex-Meetic) et Jacques-Antoine Granjon (Vente Privée) : Eux ont tout compris au web! Bémol : d’abord, leurs entreprises sont lilliputiennes par rapport aux géants américains et chinois, tout comme le sont Exalead, Sarenza ou Rueducommerce. Ensuite, leurs initiatives sont diversement vertueuses :

Où sont les Total, Veolia, Vinci, Areva, Sanofi, Kering du numérique français? Où sont les Airbus-EADS, les Ariane-ESA du numérique européen? Où?

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<MAJ du 10 mars 2017 : L’internet chinois, c’est comme un tableau cubiste>

Globalement, l’Internet chinois a depuis longtemps pris la forme d’un Intranet, c’est-à-dire d’un réseau fermé. Pas complètement fermé, évidemment, mais fermé tout de même : Google, Facebook, Twitter et d’autres grands sites que nous utilisons tout le temps sont bloqués en Chine, et ce sont à leur place des services chinois qui proposent des fonctionnalités quasi-identiques (mais pas identiques, ce serait trop simple).

La vie numérique – France Culture, 09 mars 2017 (5 min)

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