Les techniques de recherche et de veille sont en constante évolution. Pour rester expert dans notre domaine, les spécialistes de l’information que nous sommes doivent entretenir leurs compétences informationnelles. Pour se tenir à la page, il est ainsi nécessaire de choisir des ressources non seulement pertinentes, mais récentes.
Or la manière de se former évolue également. Avez-vous déjà utilisé ou participé à un MOOC (à ne pas confondre avec les MMPORPG)?
Les cours en ligne ouverts et massifs (ou MOOC selon l’acronyme anglophone : massive open online course) constituent un exemple de formation ouverte et à distance en télé-enseignement. Les participants aux cours, enseignants et élèves, sont dispersés géographiquement et communiquent uniquement par Internet. Des ressources éducatives libres sont utilisées. Le qualificatif « massif » quant à lui, est lié au grand nombre de participants, jusqu’à 100 000 personnes, élèves et enseignants, réunis simultanément pour un cours. (Source Wikipedia)
Il se trouve que le premier MOOC en français est consacré… aux compétences informationnelles! Plus précisément, à l’Environnement d’Apprentissage Personnel. Internet : Tout Y est Pour Apprendre (ITyPA pour les intimes) s’étale sur 10 semaines. Les inscrits (plus de 1300 personnes) peuvent échanger sur un nouveau thème chaque semaine (via les Twitter, Facebook, clavardage, forums de la plateforme…), tandis qu’une page rassemble des liens vers diverses ressources, que complète une lettre d’information journalière. Chaque thème se conclu par une réunion en chat vidéo, où tous les inscrits sont invités à participer en temps réel via Twitter et la chaine Youtube, auxquels s’est ajouté un IRC.
- Réunion de lancement : chat vidéo 1 (Dave Cormier)
- Semaine 1 : Introduction
page de ressources | chat vidéo 2 - Semaine 2 : L’environnement d’apprentissage personnel, à construire ensemble
page de ressources | chat vidéo 3 (Jacques Cool) - Semaine 3 : Diriger soi-même sa formation
page de ressources | chat vidéo 4 (Denys Lamontagne) - Semaine 4 : Recherche et veille documentaire
page de ressources | chat vidéo 5 (François Magnan) - Semaine 5 : Partage d’expériences autour de la recherche documentaire
page de ressources | chat vidéo 6 - Semaine 6 : Apprentissage social
page de ressources | chat vidéo 7 (Frédéric Domon) - Semaine 7 : Découvrons les communautés qui nous entourent
page de ressources | chat vidéo 8 (Jean-Michel Cornu) - Semaine 8 : Construire son réseau en ligne
page de ressources | chat vidéo 9 (Sébastien Magro) - Semaine 9 : Partage d’expériences
page de ressources | chat vidéo 10 - Semaine 10 : Formation Tout au Long de la Vie
page de ressources | chat vidéo 11 (Bruno Devauchelle)
Concrètement, ce sont les participants qui apportent chaque semaine des ressources au pot commun. Dans un premier temps, ce sont des ressources externes pertinentes (slides, articles, interviews, etc) puis leurs productions personnelles issues de leur propre cheminement de réflexion au long de la formation (blogs, commentaires, wiki, page Facebook, Twitter…). Chacun a ainsi à sa disposition un corpus qu’il peut exploiter selon ses objectifs, sans nécessairement tout lire, comme l’expliquent les créateurs :
L’objectif n’est pas de mémoriser les ressources mises en ligne : ces ressources ne sont qu’un point de départ pour votre réflexion, tout comme les activités qui vous seront proposées chaque semaine ne sont que des déclencheurs. Votre apprentissage sera le résultat de ce que vous ferez : publier un article sur votre blog, commenter les productions des autres participants, discuter avec eux, échanger avec les experts lors des réunions hebdomadaires…
Les créateurs de ITyPA décomposent le processus d’apprentissage en quatre phases :
- Regrouper : prendre connaissance des ressources proposées par le groupe en étant sélectif:
Vous n’avez pas à tout lire ni à tout regarder. Même nous, les facilitateurs, ne pouvons pas le faire. Au contraire, ce que nous devons tous faire, c’est repérer et sélectionner le contenu qui nous paraît intéressant et approprié pour nous-même. Si un document vous semble trop compliqué, ne le lisez pas. S’il vous semble trop ennuyeux, passez au contenu suivant.
- Archiver : Garder une trace des sources jugées utiles, en local ou en ligne :
Une fois que vous avez lu, regardé ou écouté des ressources, l’étape suivante est d’en garder une trace quelque part. Comment faire cela, c’est ce que vous allez apprendre à faire progressivement dans les prochaines semaines. Essayez et comparez avec les autres participants. Comment vous allez faire cela, c’est vous qui le définirez en fonction de vos besoins, de vos préférences.
- S’approprier : A partir des ressources regroupées et archivées, il s’agit pour chacun de créer du nouveau, à l’aide d’outils variés. C’est à force d’utiliser ces outils que la compétence informationnelle va se développer :
Ce cours porte sur comment lire ou regarder, comprendre et travailler avec le contenu créé par d’autres personnes et sur comment créer votre propre compréhension et connaissance à partir d’elles. Nous sommes ici au cœur de comment apprendre avec Internet.
[…] Le contenu ne compte presque pas, ce qui compte c’est que vous utilisiez l’outil. Cela vous semblera bizarre au début, comme pour tout nouvel outil. Mais avec la pratique vous deviendrez un créateur accompli et un critique d’idées et de connaissances.
- Diffuser : Comme le MOOC se suit via internet, toute la production des participants peut être partagée, non seulement avec les autres participants, mais plus largement avec l’ensemble des internautes. Ce n’est pas une obligation, cependant le fait de partager publiquement rend la démarche plus efficace :
Vous allez essayer deux fois plus. Vous allez réfléchir à ce que vous faites. Et vous obtiendrez une plus grande récompense : tout le monde pourra voir ce que vous avez créé et s’y référer. Parfois de manière critique mais souvent (beaucoup plus souvent) en vous retournant leur soutien, leur support et leurs félicitations. Les gens apprécient réellement quand on partage. Après tout, ce que vous faites quand vous partagez, c’est créer du matériel à partir duquel d’autres personnes peuvent apprendre. Votre partage contribue au contenu de ce cours. Les gens apprécient cela et vous apprécierez probablement d’avoir accès au contenu partagé avec vous par d’autres participants au cours.
Je trouve que cette démarche ressemble beaucoup à ma manière de construire les billets de ce blog:
- Regrouper – Le sens de ce blog 2 : une veille moins geek que pragmatique
- Archiver/s’approprier – Le sens de ce blog 3 : l’organisation d’une documentation entièrement électronique
- Diffuser – Le sens de ce blog 4 : considérations stylistiques
Comme M. Jourdain, j’ai un EAP (Environnement d’Apprentissage Personnel) depuis des années et je ne le savais pas.
Cette façon de procéder est inspirée de la théorie de la connectivité (ce que je ne savais pas avant de découvrir ITyPA il y a deux semaines).
Le connectivisme aspire à devenir une théorie de l’apprentissage (les autres étant le behaviourisme, le cognitivisme, le constructivisme et l’humanisme) et est à l’origine de l’invention des MOOC. Cet extrait de l’article correspondant sur Wikipedia donne une idée de ce qui sous-tend cette théorie :
Le ‘Connectivisme’, théorie d’apprentissage à l’ère numérique, a été développée par George Siemens et Stephen Downes [depuis 2005]
[…] les liens qui nous permettent d’apprendre davantage sont plus importants que l’état actuel de notre connaissance. Le Connectivisme est motivé par la compréhension que les décisions sont fondées sur des fondations qui se modifient rapidement. De nouvelles informations sont constamment acquises. La capacité d’établir des distinctions entre l’information importante et sans importance est vitale. La capacité de reconnaître quand de nouvelles informations modifient le paysage en fonction des décisions prises hier est également critique.
[…] « savoir-faire » et « savoir-quoi » sont complétés avec des « savoir-où » (la compréhension de l’endroit où tu trouveras la connaissance quand elle est nécessaire), ainsi le méta-apprentissage devient aussi important que l’apprentissage lui-même.
Comme cela semble terriblement proche du propos d’Olivier Tacheau, ancien directeur de la BU d’Angers :
Former les agents à rester compétents en se posant toujours les bonnes questions plutôt qu’à être compétents à un moment donné avec les bonnes réponses, vite périmées..
Christine Vaufrey, enseignante, s’est inscrite à un autre MOOC (en anglais). Tout en racontant ses premières impressions, elle relève combien la méthode est éloignée des pratiques scolaires. Elle sait de quoi elle parle, puisque ce MOOC est consacré… au connectivisme :
Cet état de connexion généralisée est un processus d’apprentissage en lui-même, qui s’accommode difficilement de parcours linéaires, de transmission unilatérale de savoirs et de mémorisation à partir d’un corpus de références limité et prédéterminé.
Et là, je comprend mieux ce que voulait dire Pierre Frackowiak, pédagogue membre d’un groupe de travail sur le numérique au ministère de l’Éducation Nationale, lors de l’affaire de la twittclasse de La Roche-sur-Foron :
« L’intérêt c’est de construire un cours à partir de la production des élèves et non du savoir du maître », explique le pédagogue.
[…] le numérique va prendre une place de plus en plus importante et l’école tarde à le comprendre. « Nous sommes en train de rater le train ! Nous utilisons ces outils pour améliorer les anciennes pratiques, les rendre plus faciles ou agréables. Mais ces nouvelles technologies annoncent une autre ère comme dit Edgar Morin ».
Il existe ainsi des MOOC montés par des universités, où les contenus sont définis à priori. Il s’agit là d’améliorer d’anciennes pratiques d’enseignement. Les MOOC connectivistes, où le contenu se constitue au fur et à mesure par les apprenants eux même, constituent une autre manière d’appréhender l’enseignement, ce qui est tout à fait différent.
Vous êtes intéressé et vous avez raté le début? N’ayez crainte, vous pouvez prendre le train en marche :
Le cours ITyPA démarre le 4 octobre 2012 et se termine le 13 décembre 2012. Chacun est libre de le rejoindre à tout moment.
On en revient à la question du billet précédent : “quelles sont vos pratiques en matière de recherche d’information pour rester compétent dans votre domaine?” pourrait être reformulé en “pour actualiser vos savoirs et savoir-faire, par quels moyens développez-vous vos savoir-où?” et ceci, quelque soit le métier.
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