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Une question d’image (1)

Reference Librarian, CNN.com
Bibliothécaire : plutôt une femme (pas forcément âgée), aimant particulièrement la lecture et ayant de solides connaissances notamment littéraires, effectuant un travail ennuyeux, le plus souvent assis, dans un lieu très calme et silencieux.

La personne qui a affirmé que ce n’est quand même pas bien compliqué de tenir une douchette (voir le billet évoquant cette situation) est-elle un cas isolé? Est-ce de la paranoïa de penser que peu de gens, même parmi les lecteurs, ont conscience des activités que recouvre le métier de bibliothécaire (chaîne documentaire, animations, accueils de classe, veille, autoformation… et bien d’autres choses encore que je développerai dans des billets ultérieurs)? Une étude de la BPI intitulée  » Les 11-18 ans et les bibliothèques municipales »  apporte une réponse… négative. Non, la personne qui a affirmé que ce n’est quand pas bien compliqué de tenir une douchette n’est pas un cas isolé.

La publication des résultats de l’enquête de la BPI est relayée sur le site de l’Enssib :
<http://www.enssib.fr/breves/2010/02/16/enquete-bpi-adolescents-et-bibliotheques>
Avec des liens vers deux autres études sur le même thème. Il y a des remarques qui concernent tous les publics, en particulier sur l’image des bibliothèques et des bibliothécaires. Voici les passages qui m’ont le plus marqué (en italique) :

Une image de l’équipement…

Cette image de la bibliothèque associée aux livres, et plus particulièrement aux romans de fiction, semble largement confortée par des usages que l’on a précédemment pu qualifier eux aussi de « traditionnels » (emprunt de livres et lecture sur place), par la méconnaissance des fonds, collections et supports proposés, ainsi que par le sentiment de satisfaction assez général exprimé par les usagers sur l’offre existante, tout simplement parce qu’il n’imaginent pas trouver d’autres supports ni avoir d’autres pratiques dans les établissements.

À l’inverse, la représentation de la bibliothèque comme lieu du livre est connotée négativement par tous ceux qui cherchent à se distancier de ce lieu et de son public, ces « autres », « lecteurs », « bon élèves » et « intellos », qui viennent à la bibliothèque parce qu’ils aiment lire ou parce qu’ils « s’embête[nt] un peu (…) pour atterrir là », tandis que, comme le dit Ruddy, « si on n’aime pas lire, ça c’est autre chose, on a envie de partir (…) parce que là j’ai l’impression que c’est triste, c’est tout gris ». En ce cas, la bibliothèque est à nouveau associée au passé en raison de son affinité avec une activité désuète, la lecture.

La bibliothèque apparaît alors comme un lieu situé hors du monde de ces adolescents, un endroit où ne vont plus les copains (« Non aucune de mes copines ne va à la médiathèque » « personne autour de moi n’y va, ni les copains, ni ma mère » « mes copains, ça m’étonnerait maintenant qu’ils y aillent ».), investi seulement par les petits ou par les personnes âgées.

…Qui rejailli sur celle de ceux qui y travaillent.

Le cliché de la femme d’âge mûr, d’allure sévère et taciturne, chignon gris et lunettes, qui a longtemps participé à définir le stéréotype de la bibliothécaire.

À l’instar de leur méconnaissance des fonds, des supports et des espaces, les adolescents interviewés connaissent très peu les fonctions exercées par le personnel des bibliothèques. Fréquentant ou non les établissements, ils citent le plus souvent des fonctions liées au renseignement (information, conseil et parfois guide – environ 90 % des usagers interrogés par questionnaire à Lille et à Toulouse estiment que les bibliothécaires aident bien) ; ainsi que des tâches liées à l’inscription du public, à l’enregistrement du prêt et des retours, au rangement des documents et à la surveillance. Ponctuellement, certains adolescents évoquent l’organisation et l’animation des activités proposées dans les établissements, en particulier dans le secteur jeunesse. Toutefois, dans la majorité des cas, leur connaissance, assez fragmentaire, des fonctions imparties aux bibliothécaires, se réduit à ce qui est vu, et participe à une image très stéréotypée du métier, voire du personnel lui-même.

Les bibliothécaires apparaissent ainsi, à l’image de leur métier, comme étant un peu mystérieux. Dans ce sens, Hakim, inscrit à la médiathèque centrale de Nanterre se questionne tout autant sur le métier que sur la personnalité des bibliothécaires :
« La question que je me pose, c’est : est-ce qu’ils restent assis toute la journée au même endroit ou est-ce qu’ils bougent ? Je vois bien qu’ils sont souvent assis au même endroit, c’est ça le truc… Ils sont assis derrière leur ordinateur et attendent un renseignement, sinon ils vont aider les usagers ou ils font le retour des documents. C’est mystérieux les bibliothécaires en fait. C’est assez discret. Il y a beaucoup de questions sur ce métier. On ne connaît presque rien d’eux en dehors de ce qu’ils font là. » Le métier de bibliothécaire est alors souvent considéré comme « pas vraiment fatiguant », avec un temps de travail limité (« 14 heures à 18 heures ») qui permettrait, selon certains, d’exercer une autre activité professionnelle en dehors des bibliothèques ; il s’agirait donc d’un métier finalement « pas du tout stressant » pour des « gens qui n’aiment pas se prendre trop la tête », voire une activité idéale pour les étudiants qui auraient ainsi du temps à consacrer à leurs recherches universitaires. Mais ce métier semble surtout perçu comme « ennuyeux », trop calme, à l’image de ce qui se dégage des établissements, et pour lequel il n’y aurait « pas grand-chose à faire », comme l’explique Thibaut, rencontré à Toulouse :
« Ce métier-là, il est assez bien, mais des fois, si on reste comme ça assis tout le temps, ça va devenir ennuyeux. Des fois, quand ils restent comme ça tout seul pendant des heures devant un écran, on dirait qu’ils s’ennuient. »
Souhaitant souvent exercer un métier « plus dynamique », qui « bouge » et « avec plus d’actions », à l’image des activités de loisirs préférés de la plupart d’entre eux, les adolescents insistent sur le caractère statique d’un métier très majoritairement méconnu, si ce n’est par les adolescents qui ont effectué un stage dans des bibliothèques au cours de leur parcours scolaire, souvent en fin de 3e. L’image du métier, le plus souvent associé à l’ennui et au caractère statique et répétitif des tâches à accomplir, jugées peu intéressantes ou gratifiantes, tend à traverser les âges et les sexes ; elle est toutefois assez différenciée selon que les adolescents sont usagers ou non des bibliothèques, et plus largement selon qu’ils sont lecteurs ou non.

[…]

Conjugués, tous ces éléments concourent alors à l’émergence d’un portait du bibliothécaire ou d’une définition de ce métier qui pourrait être : bibliothécaire, plutôt une femme (pas forcément âgée), aimant particulièrement la lecture et ayant de solides connaissances notamment littéraires, effectuant un travail ennuyeux, le plus souvent assis, dans un lieu très calme et silencieux. Cette image semble donc se substituer au cliché de la femme d’âge mûr, d’allure sévère et taciturne, chignon gris et lunettes, qui a longtemps participé à définir le stéréotype de la bibliothécaire.


Je partage les solutions préconisées par le rapport :

Nancy Pearl est une véritable bibliothécaire, si célèbre qu’elle a une figurine à son effigie. Quand on appuie sur son dos, elle fait shuuuut! C’est ça la communication pour changer notre image?? Au moins a-t-elle un ordinateur… sur son chariot?

 

Ne faudrait-il pas également franchir définitivement le pas de la diffusion massive du multimédia et du numérique dans les collections ? Bien des bibliothèques (ou des élus ?) hésitent encore en effet à autoriser la consultation libre et gratuite d’Internet ou tout simplement à augmenter de manière significative le parc informatique des bibliothèques. L’offre de documents numériques et de terminaux dédiés (ordinateurs, consoles de jeux, etc.) est souvent limitée ou bridée dans les établissements de lecture publique alors qu’une écrasante majorité des jeunes fait un usage quotidien de ces supports et contenus numériques au domicile. Tout laisse à penser qu’il est grand temps de bouleverser l’offre et les modalités de sa mise à disposition en faisant du contenu dématérialisé une ressource documentaire comme une autre, en multipliant partout le nombre d’ordinateurs et en favorisant le développement des accès gratuits à Internet qui constituent des ressources comme les autres et pour beaucoup les premières sources d’information des jeunes collégiens et lycéens.

[…]

Il convient à la fois de faire connaître le métier de bibliothécaire, qui participe à l’image de marque des établissements, et surtout de valoriser la compétence des professionnels en multipliant, par exemple, les occasions d’accompagner et de former les jeunes usagers dans leurs recherches documentaires classiques et sur Internet. Il conviendrait également de mettre en avant les compétences informatiques des bibliothécaires pour redorer leur image aux yeux des jeunes pour qui la compétence technique est si valorisante, ou encore de multiplier les formations ou l’animation d’ateliers pour l’animation d’un blog de la bibliothèque, voire d’une web TV, etc. C’est dans cette logique que de nombreuses institutions profitent aujourd’hui des réseaux sociaux du type Facebook ou Myspace pour faire circuler rapidement et facilement des informations auprès des jeunes connectés. Ce type de démarche est susceptible d’avoir un impact sur l’impression d’immobilisme qui se dégage parfois des représentations juvéniles du métier de bibliothécaire.


En conclusion, l’image c’est une question de communication, mais pas seulement

http://www.librarian-image.net/

 

Ces pistes visant à améliorer les modalités d’accueil et l’offre à destination des jeunes sont déjà appliquées ici ou là. Cependant, si elles étaient appliquées de façon systématique, elles permettraient peut être de modifier le rapport des jeunes à la bibliothèque en changeant en premier lieu l’image qu’ils ont de cette institution. Or, on le sait, et cette enquête l’a encore confirmé, l’image a plus d’impact sur les usages qu’une simple modification de l’offre de services qui ne serait pas relayée par une forte communication.

Tout étant affaire de communication et d’image, il convient donc de bousculer l’inscription de la bibliothèque dans la ville en la plaçant au cœur de toutes les activités et en en faisant un lieu incontournable pour l’accès à la culture, à l’information et à la citoyenneté, mais aussi au divertissement. Pour cela, ne faut-il pas multiplier les partenariats et accepter la participation de professionnels provenant de divers horizons à l’animation des espaces et des activités ? Ces perspectives n’auront de réelle efficacité, notamment en direction des jeunes les plus éloignés de l’univers des bibliothèques, que si elles s’intègrent dans un projet éducatif, ludique et culturel local à la mesure du quartier ou de la commune.

Ces dernières lignes ressemblent s’y méprendre aux premières lignes de mon précédent billet :

« Une bibliothèque c’est un lieu de vie qui est partie prenante dans la vie locale, que ce soit d’un quartier ou d’une petite commune. »

On est proche du concept de « bibliothèque troisième lieu » que je développerai ultérieurement… et on s’éloigne de plus en plus de la douchette!

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