Les ouvriers de chez Peugeot partent en congés annuels et annoncent une guerre avec PSA, mais seulement à la rentrée. Il faut dire que leur mouvement passerait inaperçu des français actuellement : tous goûtent (enfin) aux joies de l’été, même ceux au nord de la Loire. Dans tout l’hexagone c’est apéro-picnic-baignade-bronzette-pétanque-palets entre amis, au moins le week-end. Les médias se la jouent détente eux aussi, avec des rediffusions et best-of des émissions de l’année : la ménagère de moins de 50 ans n’est plus devant son poste pour ses loisirs, car elle prend le soleil, comme toutes les autres cibles marketing. Même votre serviteur a lancé un feuilleton estival car la blogosphère aussi se met à somnoler en cette chaude saison : après le Tour de France, voici les Jeux Olympiques, alors l’actualité (biblioth)économique, pas envie. Tout le monde est donc en vacances… sauf les lobbyistes du copyright façon inquisition.
Après la claque reçue avec le rejet d’ACTA en Europe (qui compte pour 27) et les réticences d’autres parlements qui s’ensuivent, on aurait pu s’attendre à un peu de répit. Je pensais même que le mot-clé “ACTA” passerait dans les archives ce blog, remplacé par un autre. Que nenni ! Contrairement aux PSA, les ayatollahs du copyright n’ont pas attendu la rentrée pour continuer à faire passer leurs idées à travers le monde, ainsi que le montre Calimaq dans “pas de vacances pour les Copyright trolls” en énumérant une série de traités qui sont, comme la pub pour un yaourt aux fruits, avec des (gros) morceaux d’ACTA dedans :
- CETA – Canada Eu Trade Agreement : Accord UE/Canada (le zombie d’ACTA selon la Quadrature)
- TPP – Trans-Pacific Partnership Agreement : Accord Asie-Pacifique poussé par les USA (le fils d’ACTA dans la revue de presse d’Electronic Frontier Foundation)
- SOPA repointe son nez aux États-Unis sous la forme d’un projet de loi, mais sans acronyme : l’Intellectual Property Attaché Act. Croient-ils que c’est le sigle qui dérange les anti-ACTA-CETA-TPP-SOPA-PIPA-LOPPSI-Hadopi ?
- Et pour couronner le tout, la commission européenne déclare qu’elle continue ses travaux sur le traité ACTA, en contradiction frontale avec la décision du Parlement.
Cependant, quand on dit que les majors veulent continuer à dominer le monde de l’entertainment avec leur ancien modèle économique, on est trop réducteur. Certains artistes aussi sont partisans d’un copyright en béton armé. Au Royaume uni, le Digital Economy Act, basé sur une riposte graduée, avance doucement mais avance sûrement, puisque qu’il entrerait en vigueur en 2014. Or en cette fin de juillet caniculaire même outre-manche, une série de rentiers du rock et de la pop anglaise, plus quelques rappeurs et même un présentateur, viennent de publier une lettre ouverte pour hâter le mouvement, réclamant que :
Les activités illicites sur Internet doivent [soient] reléguées aux marges [et que] les FAI, les moteurs de recherche et les annonceurs en ligne jouent leur rôle dans la protection des consommateurs et des créateurs vis-à-vis des sites illégaux.
Pour les anglophones, voir l’ensemble de la lettre et des signataires dans The Telegraph
Parmi les signataires on trouve entre autres Elton John, Roger Daltrey et Pete Townshend (The Who), Roger Taylor et Brian May (Queen), Robert Plant (Led Zeppelin)… Or Calimaq (lui non plus n’est pas en vacances de blog 🙂 ) rappelle malicieusement à ce dernier que Led Zeppelin n’aurait jamais vu le jour avec avec le droit d’auteur contemporain. Robert Plant est en effet très mal placé pour réclamer un durcissement de la loi anglaise. Paroles, musiques, motifs de guitares… le groupe mythique du rock des seventies ne s’est pas privé de copier, reprendre, récupérer, réutiliser, imiter, emprunter, s’abreuver à des musiques préexistante, sans jamais citer ses sources, sans jamais annoncer que le duo Page/Plant n’est pas seul auteur. C’est la définition du plagiat. Or pas besoin du Digital Economy Act pour que le plagiat tombe sous le coup de la loi telle quelle. Led Zeppelin a d’ailleurs eu plusieurs fois affaire à la justice… mais des années après, alors que les membres du groupe avaient la puissance financière pour négocier à l’amiable avec les plaignants, de façon sonnante et trébuchante.
Dans les années 1970, le rapport au droit d’auteur était moins crispé qu’aujourd’hui, et les capacités techniques de l’époque (vinyles de multiples micro labels) ne permettaient pas nécessairement de débusquer le plagiat immédiatement. Mais avec Internet, où tout laisse une trace, tout plagiat peut-être diagnostiqué et traité. Il n’est que de voir le nombre croissant de vidéos retirées de Youtube sous le commode prétexte du droit d’auteur. Aujourd’hui, un équivalent de Led Zeppelin débutant serait immédiatement zappé du net, et ne survivrait pas à son premier procès pour plagiat. Le collectif précise encore :
Dans le secteur de la création, la compétition ne joue pas sur le coût du travail ou sur les matières premières, mais sur le talent et la capacité à innover.
[NB : vous voyez que les PSA ont leur place dans ce billet sur le droit d’auteur 😉 ]
Avant de réfuter tout intérêt personnel dans sa démarche, n’agissant que pour la grandeur et la croissance de leur pays. Ben voyons! Les petits jeunes peuvent être talentueux et capables d’innover, mais sans toucher aux revenus des vieux briscards dont la réussite est derrière eux. Nos âgés rentiers rockers, anciens emblèmes de la révolte des jeunes, semblent atteints d’Alzheimer tant leur mémoire semble leur faire défaut. A moins que l’argent ne soit la vraie raison, comme le suggère cet épisode de South Park :