Dans le dernier billet, nous avons découvert qui sont les personnes qui viennent se connecter à Internet à la bibliothèque à travers une enquête menée à Lyon : Usages par le public des postes informatiques et des hot-spot wifi à la BmL. Au regard de la diversité des profils, des niveaux de connaissance et des motivations, on peut imaginer que les usages de ces biblio-internautes sont variés.
Les nomades de la toile, que viennent-ils faire à la bibliothèque? La même chose qu’ailleurs !
L’analyse des usages des sondés par Hervé Renard est assez décevante : une liste de sites, une liste de besoins vagues qui ne disent finalement rien sur les pratiques, et c’est tout. L’esprit est assez proche de la “consultation des sites de documentation en ligne” du Métier de Bibliothécaire :
Très clairement, se détachent, par ordre d’importance, la messagerie, sous toutes ses formes, les hobbies, les informations pratiques, les études et la recherche d’emploi qui, ensembles, constituent plus des trois quarts des besoins exprimés.
Hervé Renard note cependant que les biblio-internautes ont globalement des usages peu différenciés entre la bibliothèque et leurs autres accès à la toile : les différences sont surtout le fait de contraintes réglementaire et/ou techniques. Cela reste vague.
Or qu’est ce qui compte ? De savoir si le visiteur est venu pour telle ou telle catégorie de la Dewey, ou bien de se demander comment il collecte et organise ses informations ? Il suffit de considérer la messagerie, par exemple (ci-dessus), pour comprendre qu’au delà d’un outil, c’est d’abord un moyen pour couvrir une grande variété de besoins pointus. L’auteur est le premier à reconnaître qu’un travail d’étude plus approfondi des usages serait utile :
A travers cette enquête, les usagers sondés nous ont laissé de multiples traces de leurs pratiques, de leurs souhaits… Cependant, pour mieux y répondre, il semble utile de tenter d’établir des profils types d’usagers. En effet, derrière la variété des personnalités qui se sont exprimées, il y a une somme d’habiletés et de besoins, plus ou moins saillants, plus ou moins affirmés, qui doivent certainement être l’objet d’une attention particulière des professionnels afin que leur offre soit pertinente.
Il propose en première approche trois profils de biblio-internautes :
- les déshérités : composés à 80% de demandeurs d’emploi, dont les deux tiers ont moins que le baccalauréat.
- les intéressés : souvent bien équipés, ces personnes cherchent à découvrir l’informatique le plus souvent avec des objectif précis.
- les usagers 2.0 : vous avez deviné que, malgré mes 346€ mensuels, je suis de cette catégorie. Cela peut dérouter les professionnels, qui ne savent pas toujours que je suis aussi un collègue : un déshérité ne peut pas avoir de portable pour le Wifi !? Mais le déshérité en question avait encore un salaire il y a quelques mois, et il espère bien en retrouver un de nouveau à plus ou moins brève échéance. Hervé Renard confirme cette analyse tirée de mon expérience personnelle ainsi :
C’est, paradoxalement, le profil le moins bien défini en terme de compétences informatiques car si l’absence de maitrise est assez aisément identifiable […], l’internaute moyen peut tout à fait donner l’illusion d’une grande compétence.
En effet, les bibliothécaires chouchoutent leurs lecteurs réguliers en mettant de côté les romans du terroir que ces derniers affectionnent, tandis que les personnes en difficulté de lecture (du moins celles d’entre elles qui ont trouvé le courage de franchir les portes intimidantes du temple de la lecture) énervent parfois le personnel. Or les professionnels ont un comportement exactement inverse avec l’informatique. Ils s’attachent à expliquer le mulot aux débutants et se désintéressent des visiteurs qui ont l’air autonomes devant un écran. A la limite les collègues se demandent ce que ce type d’usagers vient faire à la bibliothèque alors qu’ils seraient aussi bien chez eux (Ce sont ces même collègues qui militent pour qu’on prenne en compte la consultation sur place de BD ou de revues dans les statistiques de fréquentation).
Ne serait-ce pas parce que le bibliothécaire, sûr d’être le spécialiste du livre et d’être reconnu comme tel, ne craint pas les lecteurs chevronnés, tandis qu’avec l’informatique, il a un complexe d’infériorité (malheureusement souvent justifié) et préfère se reposer sur l’animateur de l’espace multimédia (quand il y en a un) ? Pourtant, il devrait s’occuper d’information literacy sans se soucier du support. Pour cela, il lui faudrait cesser de penser l’informatique uniquement en termes techniques.
Bertrand Calenge résume bien la situation :
Car je suis frappé par le déficit d’implication des bibliothécaires dans l’appropriation des ressources en ligne : la bibliothèque, c’est d’abord les collections, et Internet c’est « l’ailleurs » (pour beaucoup du moins). Il est plus qu’urgent de se pencher professionnellement sur l’assistance qualifiée auprès des besoins d’information requérant l’accès aux ressources numériques…
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