Je m’emporte souvent contre les tentatives de censure sur Internet (ACTA, politiques de filtrage de Fb et Cie, DRM…) et j’ai soutenu le mouvement contre la censure autour de Tous à poil. Mais j’étais conscient de notre chance, nous qui avons (encore) accès à une presse variée et à Internet de façon libre, n’ayant rien à voir avec la Pravda ni avec les intranets russe ou chinois. En France on peut parler de l’Ukraine ou de Tian’anmen sans risquer de voir une police politique débarquer chez soi. C’est ce qu’on appelle la liberté d’expression, qu’on soit blogueur ou journaliste, dilettante ou engagé.
C’est pourtant ce qui s’est passé aujourd’hui à la rédaction de Charlie Hebdo : trois individus se prenant pour une police des bonnes mœurs ont fait irruption dans les locaux du journal satirique, armés de Kalachnikovs et de lance-roquettes. Bilan : 12 morts, ainsi que 11 blessés dont 4 de façon grave, et les assassins courent toujours. Parmi les morts, cinq dessinateurs : Charb, Cabu, Tignous, Wolinski et Honoré. Armes lourdes contre crayons, il s’agissait d’une exécution en règle.
Le Petit Journal de Canal + d’aujourd’hui retrace les biographies des cinq auteurs. Yann Barthes est sérieux comme un Roger Gicquel, on n’est pas habitué :
Pour ma part, ce qui me touche le plus est le souvenir du petit rire de Cabu derrière sa planche à dessins dans Récré A2, toujours content par avance de ses bêtises. Je n’ai découvert Charlie Hebdo que beaucoup plus tard. Ces cinq journalistes n’étaient pas des grands reporters, ils ne se déplaçaient pas dans les pays à risque. Comment admettre qu’ils sont morts fauchés par une Kalachnikov?
Tout au long de la journée, de nombreux dirigeants ont témoigné leur soutien à la France. M. Poutine est le plus cynique. Son communiqué parle de la lutte contre le terrorisme, mais oublie que ce sont les libertés d’expression et de la presse qui ont été visées. En parallèle, des centaines de milliers de messages de soutien ont rapidement inondé les réseaux sociaux après l’attentat, tandis que de multiples rassemblements se sont spontanément organisés un peu partout en Occident : Europe, Amérique du Sud et du Nord. Moscou, Hong Kong et Le Caire sont des exceptions notoires. Ceux des villes françaises ont attiré plus de 100 000 personnes. D’autres sont prévus dans les jours qui viennent.
Une page Facebook a été montée pour soutenir le journal, les collègues et les familles des disparus : Je suis Charlie. De plus, les réseaux sociaux utilisent deux mots clés : #JeSuisCharlie et #CharlieHebdo
De nombreux dessinateurs ont réagi… avec leur plume. Parmi mes préférés dans les deux compilations du Parisien et de Libération :
D’autres dessins encore dans Twitter, sous le hashtag #1000dessinsPourCharlie.
Le fait que cela se passe en France et avec une telle brutalité a conduit les chaines d’info continue et les radios à tourner en boucle sur l’événement. Pourtant, de nombreux dessinateurs et journalistes sont persécutés à travers le monde, chaque jour, comme le montrait par exemple le documentaire de Plantu, “Caricaturistes – Fantassins de la démocratie”
- « Caricaturistes » : deux nouveaux extraits du documentaire-choc – Le Point
- Critique Les Caricaturistes – Fantassins de la démocratie de Stéphanie Valloatto – Regardez moi ça!
Quoi qu’il en soit, condoléances aux familles des douze morts. Espérons que Charlie Hebdo arrive à s’en relever, comme après l’incendie de ses locaux en 2011. Si le journal met la clé sous la porte, les moisis de tous horizons auront gagné.
<MAJ du 08 janvier 2015 : les unes de ce matin>
Et pas que pour la presse française :
A voir aussi les compilations de unes par Libération :
Une seule note dissonante, le Financial Times, qui juge la ligne éditoriale de Charlie Hebdo “irresponsable” et “stupide”. Cet éditorialiste ne connait rien à l’histoire de la presse. Avant Hara-kiri (ancêtre de Charlie Hebdo), bien d’autres journaux satiriques illustrés ont émaillé les XIXs et XXe siècles, et ils étaient bien plus féroces. Charb, Cabu, Tignous, Wolinski, Honoré et leurs collègues survivants sont les héritiers de Daumier. Charlie Hebdo, Siné mensuel, Fakir ou Le Canard Enchaîné sont les dignes successeurs de journaux comme l’Assiette au beurre.
Ce matin, « L’instant M » sur France Inter rappelait l’histoire des ancêtres de Charlie Hebdo : “épopée de la violence et du trait”.
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