Lors de ma dernière formation (L’environnement juridique des bibliothèques, au CNFPT), j’ai demandé s’il y avait une différence entre bibliothèque et médiathèque.
L’étymologie a été dégainée : de biblion=livre et thêkê=coffre, lieu de dépôt (Dictionnaire Le Petit Robert, 1993). Or il n’y a pas que des livres dans une bibliothèque, d’où l’usage du terme médiathèque (1970, de média et -thèque – Selon le même Petit Robert)
Pourtant, dans la littérature professionnelle, on parle de bibliothèque hybride, de bibliothèque 3e lieu, pas de médiathèque hybride! De plus les noms et les sigles de la profession n’ont pas de médiathèque dans leur acronyme : Bulletin des bibliothèques de France (BBF), Association des bibliothécaires de France (ABF), etc. Les grands établissements ne sont pas des médiathèques : Bibliothèque nationale de France (BnF), Bibliothèque Publique d’Information (BPI), Bibliothèque Municipale de Lyon (BML), quoi qu’étant multi-support depuis toujours.
Voyons ce qu’en dit Le bibliothécais sans peine <http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2007-03-0078-015> :
Une bibliothèque qui a autre chose que des livres : une médiathèque [attention, piège ! Une médiathèque peut aussi offrir des documents multimédias, mais on ne dit pas une multimédiathèque. Et une bibliothèque qui est une médiathèque peut s’appeler quand même bibliothèque. Il peut même être considéré comme ringard de la traiter de médiathèque. Soyez prudent]
Hum, c’est donc plus compliqué que ça en avait l’air. Il est vrai que lorsqu’Internet est arrivé dans les bibliothèques, on s’est mis à parler de cyberthèques, de webothécaires, puis la mode est passée. Je me souviens avoir signé un message sur une liste de discutions : biblio-disco-webo-média-ludo-thécaire. On pourrait faire plus long : biblio-disco-webo-média-ludo-logi-info-cyber-CD-DVD-vidéo-thécaire… hybride… de médiation… en ligne! Est-ce que notre profession doit changer de nom à chaque fois que le métier évolue?
J’ai cherché s’il y avait une base juridique pour s’appeler médiathèque plutôt que bibliothèque : y a-t-il un pré-requis, des conditions à remplir? Je n’ai rien trouvé. Toutes les BDP (bibliothèques départementales de prêt) classent les bibliothèques de leurs réseaux selon des critères inspirés par le Ministère de la Culture :
- Superficie : m² pour 100 habitants
- Ouverture : heures par semaine
- Crédits d’acquisition tous documents : euros par habitant
- Personnel : salariés (A, B, C), bénévoles (ABF, BDP…)
Cela donne une hiérarchie avec :
- Des bibliothèques municipales de niveau 1 (B1),
- Des bibliothèques municipales de niveau 2 (B2),
- Des bibliothèques Relais Niveau 3 (B3),
- Des points lecture
- Des dépôts
- Parfois du prêt direct (stations de Bibliobus)
Lorsque les annuaires proposent une fonction « extraire les médiathèques« , c’est totalement indépendant.
Pourtant la mode des médiathèques ne passe pas. Une bibliothèque qui propose des CD et DVD depuis toujours va subitement décider de prendre l’appellation médiathèque. La raison? Le marketing! Attention ce mot chez moi n’est pas péjoratif : je pense comme Lionel Dujol, par exemple, que si la bibliothèque ne fait pas l’effort d’aller vers l’usager […], il ne viendra pas à elle (Intervention sur le marketing en bibliothèque lors d’une journée d’étude).
Les élus montrent qu’ils sont modernes (médiathèque : terme de 1970 ayant commencé à être utilisé dans ce contexte en 1982!) en changeant l’appellation de leur équipement culturel phare. Généralement, cela se fait lorsqu’un véritable changement se produit, l’inauguration d’un nouveau bâtiment le plus souvent, indépendamment des supports proposés. C’est un message politique auquel les administrés sont sensibles. Ainsi le mois dernier, je cherchais mon chemin dans une commune voisine de la mienne. J’ai demandé à une passante où se trouvait la bibliothèque. Elle m’a repris : Vous voulez dire la médiathèque? Et en effet, lorsque j’ai trouvé l’équipement, il était tout neuf.
Pour autant, à l’heure du numérique (pas sur des disques optiques mais dans le cloud), les anglo-saxons transforment leurs BM en Idea stores et leurs BU en learning centers (sauf quand ils ferment ces équipements), et il y a bien un changement de paradigme derrière ces termes, sans que les professionnels qui s’y trouvent ne soient autre-chose que des… librarians! Au delà du terme médiathèque, est-ce qu’en France on n’a pas une fois de plus un train de retard?
<MAJ du 25 mars 2015 : après les idea store, l’ideas box>
Bibliothèques Sans Frontières a présenté pour la première fois en Europe l’Ideas Box, une solution unique d’accès à la culture, à l’éducation et à l’information pour les populations réfugiées[…]
Créée par Bibliothèques Sans Frontières avec Philippe Starck et avec le soutien de l’UNHCR, l’Ideas Box est une médiathèque en kit qui permet aux réfugiés d’accéder notamment à 15 tablettes avec connexion Internet satellitaire et/ou 3G, des MOOCs et contenus pédagogiques accessibles sans connexion internet (Khan Academy, Wikipedia, Open Street Map, Google Earth, TED, etc.), 50 liseuses et 5000 livres électroniques, 250 livres, un écran intégré avec une offre gratuite de plus de 100 films, des jeux de société et vidéo, 5 camera HD permettant de faire du journalisme participatif, ainsi que du matériel de création et de théâtre.
Posted by Architecte de l’information on mercredi 25 mars 2015
Avis aux élus : L’Ideas Box, médiathèque en kit, ce ne sont pas que des livres, CD et DVD. Plus d’un établissement autoproclamé « médiathèque » en France pourrait s’inspirer de ce kit de BSF pour y piocher… des idées!
Voir aussi :
- L’article de l’enssib : L’Ideas Box : une médiathèque en kit, 24 juin 2014
- La vidéo de présentation par Jérémy Lachal, co-fondateur de Bibliothèques Sans Frontières
- Le site dédié à l’Ideas Box : www.ideas-box.org
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