Au rayon des mensonge à la sauce UKIP, M. Dupont-Aignan a osé affirmer durant la campagne européenne de 2014 que les pays d’Europe n’ont aucune histoire en commun. Il devrait revoir ses cours d’histoire.
Sommaire :
- Les Francs
- Le Saint Empire Romain Germanique
- Les Plantagenêts
- Événements de portée européenne
- Les manuels scolaires français extrêmement franco-centrés
- Histoires européennes
- Roman national et France éternelle
1- Les Francs
Les Francs sont d’origine « belge » et sont germaniques au même titre que les Goths, Ostrogoths, Wisigoths, Vandales et autres Angles et Saxons. Ainsi, Clovis comme Charlemagne étaient des monarques Francs autant qu’Allemands et considérés comme tels par nos voisins. Pour ceux qui en doutent, qu’ils se rappellent qu’Aix-la-Chapelle se trouve outre-Rhin. Les successeurs des Carolingiens sont donc moins Hugues Capet qu’Henri Ier l’Oiseleur puis Othon Ier le Grand :
Dans le même ordre d’idée, savez-vous que l’actuelle dynastie régnante en Espagne est la même que celle des derniers rois de France, les Bourbons, depuis l’époque de Louis XIV? Qu’avant elle, l’Espagne a été liée aux Habsbourg d’Autriche-Hongrie et ce depuis Charles Quint? Que de plus, le véritable nom des Windsor, changé en 1917 au Royaume Uni, est Sachsen-Coburg und Gotha?
2- Le Saint Empire Romain Germanique
Il est vrai que l’histoire du Saint Empire Romain Germanique n’est pas enseignée dans les manuels scolaires des petits Français. L’Allemagne semble y surgir du néant au XVIIIe siècle avec la montée en puissance de la Prusse. C’est peut-être un tort.
Vous ne vous êtes jamais demandés pourquoi le IIIe Reich était… le troisième? Le IIe Reich était celui de Bismarck et Guillaume II, mais alors le premier? C’était le Saint Empire Romain Germanique d’Othon Ier, dont la couronne a lentement glissé à travers les siècles jusqu’aux Habsbourg de Vienne. Quand à la Prusse, elle remonte aux États Teutoniques fondés sur le territoire des États baltes actuels, et n’a cessé de glisser vers l’ouest, au point d’inverser sa situation géographique par rapport à la Pologne.
3- Les Plantagenêts
D’autre part, M. Dupont-Aignan sait-il d’où la Normandie tire son origine? C’est la portion de territoire concédée par les derniers carolingiens pour acheter la paix aux Vikings : les Normands sont descendants de scandinaves… et de sacré conquérants eux-même : saviez-vous qu’il y a eu un royaume Normand de Sicile? M. Dupont-Aignan a-t-il oublié que la conquête de l’Angleterre par le Normand Guillaume le Conquérant en 1066 est à l’origine de la rivalité Franco-anglaise, des Plantagenêts aux Empires coloniaux mondiaux?
4- Événements de portée européenne
Le découpage académique (Antiquité – Moyen-Age – Renaissance – Temps modernes) lui-même est totalement européano-centré. Il ne correspond à rien du point de vue de l’Inde, de la Chine, de l’Afrique, du monde musulman, des peuples précolombiens ou océaniens. Ce découpage montre à lui seul la communauté de destin de l’Europe.
L’Europe n’a pas d’histoire commune, laissez-moi rire :
- et le monachisme de l’an mil,
- et les arts roman puis gothique,
- et la Renaissance,
- et l’imprimerie,
- et les guerres de religions,
- et les Lumières,
- et le Romantisme : limités à la France?
- La langue latine qui servait encore de langue commune pour les savants, plus de mille ans après la chute de l’Empire Romain, limitée à la France?
- Et les révolutions de 1830, 1848, 1871 et même 1968, M. Dupont-Aignan croit-il qu’elles ne se sont déroulées qu’en France?
D’ailleurs, selon vous, quel était l’état le plus puissant d’Europe pendant la majeure partie du Moyen-Age? Un état musulman, l’Empire Ottoman, héritier de l’Empire byzantin, lui même héritier de l’Empire Romain d’Orient. A la Renaissance (1529) et au XVIIe (1683), la Sublime Porte a même fait le siège de Vienne, tandis que dans l’intervalle à l’ouest on se débattait entre Réforme, guerre de Trente ans et Contre réforme… mais qu’en parallèle l’Espagne explorait l’Amérique du Sud et le Portugal la route des Indes et le Brésil.
5- Les manuels scolaires français extrêmement franco-centrés
Depuis Le tour de la France par deux enfants et les versions successives du Lavisse depuis 1884, les manuels scolaires français sont restés extrêmement franco-centrés. Il est peut-être temps de les européaniser sur l’ensemble de l’Histoire et pas juste pour la période de la Guerre Froide. Ci-dessous : Europe en 900, quelques temps après le partage de Verdun. Dans la mesure où la plupart des peuples européens ont fait partie de différents pays au gré des changements de frontières, ils ont forcément des histoires en commun.
Après on a beau jeu de critiquer la réécriture de l’histoire dans les manuels des écoliers Chinois (Tibet, Tian’anmen, Taïwan) et Russes (URSS, Ukraine)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l%27Europe
6- Histoires européennes
Les pays d’Europe n’ont aucune histoire en commun? De nombreuses histoires européennes ont pourtant été écrites. Voici quelques exemples :
Europa notre histoire, 2017
L’ambition de ce livre est de raconter l’Europe. Pas celle de l’Union, mais de l’Europe pluriséculaire : à travers ses mémoires brûlantes du XXe siècle, mais aussi celle d’Homère, d’Athènes, de Rome et de Jérusalem, celle de la Raison et des Lumières, des révolutions et de la colonisation, de Léonard et de Napoléon, de la terre et des paysans, de la lutte des classes et de la grève, de l’État providence et du capitalisme, du vin et de la bière.
Raconter l’Europe à travers son imaginaire, ses utopies, ses démons, ses trous noirs, tout ce qui, dans le passé, irrigue le présent et constitue la mémoire : l’histoire telle qu’elle a été vécue par les peuples.
L’Europe – Histoire de ses peuples, Jean-Baptiste Duroselle, 1998
“Sans taire les différences nationales, sans omettre les guerres et les périodes de régression, Jean-Baptiste Duroselle montre qu’une civilisation européenne s’est créée dès l’Antiquité qui a fini par transcender nos cultures, nos langues, nos conflits politiques ou économiques.
Époque des mégalithes, expansions celte, romaine, grecque, chrétienne et germanique, naissance de l’art roman, puis gothique, Renaissance, domination coloniale, commerciale, scientifique et industrielle, guerres mondiales, fin des empires coloniaux, démocratisation des nations européennes jusqu’à l’Europe de l’Est : autant d’étapes qui, en caractérisant l’histoire des peuples européens, ont favorisé la naissance d’une conscience commune.”
Histoire de l’Europe, Emmanuel Berl, 1947, rééditée en 1983
Tome 1 : D’Attila à Tamerlan | Tome 2 :L’Europe classique | Tome 3 :La crise révolutionnaire
Cette histoire en trois volumes démontre la concordance spectaculaire des événements à travers tous les États européens et c’est pourquoi il est scrupuleusement attaché à la chronologie. Il brise les « colonnes distinctes et bien séparées » dans lesquelles les historiens de la fin du XIX° siècle ont enfermé les histoires de leurs nations respectives. « Il faut substituer, écrit-il, à ces histoires verticales une horizontalité qui fasse ressortir entre les patries la communauté d’événements ».
7- Roman national et France éternelle
C’est cette concordance des événements à travers tous les États européens, cette communauté d’événements que M. Dupont-Aignan, les partisans du Roman National et autres historiens de garde refusent de voir. Or « il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir ».
[Article initialement publié sur les bloc notes de Facebook : https://www.facebook.com/notes/706926023249876/ ]