Dès que vous devenez français, vos ancêtres, ce sont les Gaulois.
(Nicolas Sarkozy, septembre 2016)
La célèbre phrase « Nos ancêtres les Gaulois » est tout droit issue des manuels scolaires de la IIIe République qui, sous l’influence de l’historien Ernest Lavisse, grand adepte du roman national, passaient en revue les grandes figures de l’histoire de France pour « fortifier le sentiment patriotique ».
https://www.marianne.net/politique/nos-ancetres-les-gaulois-sarkozy-toujours-plus-loin-dans-lidentitaire
Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
“Saint Louis ou Louis XIV pensaient-ils eux aussi descendre des mêmes moustachus dépoitraillés ? Allons ! On est certain, bien au contraire, qu’ils n’en avaient même jamais entendu parler. […] Dans un système monarchique, on l’a dit, seule la généalogie du monarque – fût-elle légendaire – comptait vraiment. Depuis la Révolution, le peuple, ce nouvel acteur, a fait sa grande entrée sur la scène de l’histoire. À lui aussi il a donc fallu trouver un aïeul, tout aussi fabriqué mais tout aussi opportun : le peuple gaulois.”
https://books.google.fr/books?id=q6zRdoLxtmsC&pg=PT10&l#v=onepage&q&f=false
L’expression « Nos ancêtres les Gaulois » est une reconstruction qui s’inscrit dans le contexte de l’émergence du nationalisme au XIXe, durant lequel chaque pays d’Europe s’est cherché d’illustres ancêtres.
Nos ancêtres les Celtes ?
Le mot Celte vient de de Keltoïs, nom que leur ont donné les Grecs du comptoir de Massilia, reprenant ainsi celui inventé par Hécatée de Milet en 517 av JC.
Sauf que “nos ancêtres les Celtes” vivaient de l’Espagne à la Turquie, de l’Irlande à la Roumanie actuelles. Puis l’Empire Romain les a progressivement intégrés, qui lui non plus n’avait rien à voir avec l’hexagone.
“Le point amusant, c’est qu’à la même époque [où s’est forgée l’expression nos ancêtres les Gaulois], pour des raisons similaires, les historiens de la moitié des pays d’Europe racontaient la même chose aux peuples de leur propre pays. Ouvrez la plupart des manuels d’histoire de nos voisins et vous verrez. Ailleurs, on ne dit pas « gaulois », souvent on dit celte, mais quelle importance, on a vu que c’était pareil. Les ancêtres des Autrichiens, ce sont des Celtes bientôt romanisés. Les ancêtres des Espagnols aussi. Et les Anglais ajoutent à cela un élément plus chic encore, leur Vercingétorix est une femme : Boudicca, une princesse guerrière qui a bravement défendu l’honneur du pays face aux Romains, avant que ceux-ci, glorieux vainqueurs, n’introduisent outre-Manche les belles routes et les beaux monuments – je n’insiste pas, vous connaissez la chanson.”
https://booknode.com/nos_ancetres_les_gaulois_et_autres_fadaises_076782/extraits
Le mythe de la “France éternelle”
Il n’y avait pas de peuple gaulois en Gaule, mais des Ossimes, des Vénètes, des Arvernes, des Eduens, des Allobroges, etc. De même qu’il y avait des Boïens, des Scordiques ou des Galates ailleurs en Europe. Et Côté Romain ?
- La Narbonnaise était déjà romaine depuis un siècle, sous le nom de Gaule transalpine.
- La zone colonisée par César fut découpée en Belgique, Lyonnaise et Aquitaine. En outre, cette zone appelée Gaule chevelue par les Romains ne recouvre pas que l’hexagone, mais aussi la Belgique, la Suisse, le Luxembourg, l’ouest de l’Allemagne. Cologne et Trèves furent ainsi de brillantes cités gallo-romaines.
- Pour couronner le tout, il y avait aussi une Gaule cisalpine, qui correspondait à l’Italie du Nord.
En résumé, un Français qui parle de ses ancêtres les Gaulois, c’est un peu comme si les habitants actuels de la Mauritanie se mettaient à parler de leurs ancêtres de l’Afrique Occidentale Française. En plus de la connotation coloniale, ce n’est pertinent ni du point de vue du territoire, ni du point de vue de ses habitants.
L’expression “nos ancêtres les Gaulois”, en plus d’être une reconstruction nationaliste pour participer au mythe de la “France éternelle”, est donc en plus un abus de langage.
Les Celtes, un héritage européen
“Nous devons aux Celtes une partie de nos racines. Ces peuples furent une mère de l’Europe. Cette mère-là a, certes, laissé un héritage plus ténu que la romaine ou la chrétienne, car elle a eu le tort de souder sa famille autour d’une langue et non d’une écriture, dont il ne reste que de très rares exemples. Mais la culture celte s’est aussi dissoute dans les siècles parce que celles qui lui ont succédé ont intégré une partie de ses savoirs, de ses rites, de ses guerriers aussi. Les Celtes inventèrent une agriculture, un artisanat, un art, ils construisirent des voies de communication, développèrent des sciences et des armes, un système d’éducation pour tous, maîtrisèrent une ressource économique majeure, le sel. De grandes villes, Bâle, Belgrade, Milan, Genève, Paris, Reims, sont les descendantes des oppidums celtes. Et ces supposés «barbares» formèrent, entre 800 et 25 avant Jésus-Christ, un ensemble politique qui finit par s’étendre de la mer d’Irlande à la mer Noire. Ils avaient dessiné, avant les Romains, Charles-Quint, Napoléon et Maastricht, une Europe. Il y eut des combats et du sang versé, certes. Mais ce fut la première ébauche d’une Europe homogène, et ce ne fut pas une dictature.“
Geo – Les Celtes, une civilisation qui marqua l’Europe
L’héritage Celte, encore un héritage commun pour des pays qui n’ont soi-disant “aucune histoire en commun”.
Suite aux déclarations de M Nicolas Sarkozy à propos de « nos ancêtres les gaulois », Nota Bene a également décidé de réagir à travers cette « petite » vidéo plus personnelle que d’habitude.
[Article initialement publié sur les bloc notes de Facebook : https://www.facebook.com/notes/1776855772455506/ ]