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Existe-t-il une culture scientifique?

LaRecherche40LivresDeScience

Concours de recrutement de conservateur des bibliothèques – rapport du jury, session 1996, enssib, p. 8 :

Le sujet « Existe-t-il une culture scientifique? » a apparemment surpris certains candidats pour qui les termes « culture » et « scientifique » sont antinomiques. Nous avons ainsi pu lire que le scientifique est un « barbare » sans culture, celle-ci n’étant vraisemblablement que littéraire ! D’autres sont méfiants et considèrent avec suspicion les scientifiques, êtres dangereux libérant des forces qu’ils ne maîtrisent pas ou généticiens manipulateurs à surveiller de près par des commissions d’éthique.

Un nombre restreint de candidats a su étudier le sujet dans sa réalité, analysant l’évolution historique de la culture, sa diversification liée à la multiplication des connaissances et à la progression de la science. Ceux-ci d’ailleurs se félicitent de l’ouverture de la cité des sciences du parc de la Villette, prototype de la culture scientifique mise à la portée de tous. Pour d’autres, la culture scientifique se limite aux émissions télévisées d’Hubert Reeves et aux participations médiatiques de Georges Charpak ou Pierre-Gilles de Gennes, par exemple.

Il semble bien que la culture scientifique soit mal connue des candidats.

Dans la mesure où il s’agissait de la composition du concours interne, il est assez consternant de constater une telle méconnaissance des sciences chez les bibliothécaires en poste. Je crains que ce sujet n’ait révélé un état d’esprit encore valable 18 ans plus tard. Or les admis à intégrer la fonction publique d’Etat sont nommés essentiellement dans les SCD (services communs de la documentation des universités) et plus ponctuellement dans les grand organismes de l’Etat, tels que la BnF ou Le Palais de la Découverte. Comment ceux qui vont atterrir dans une Faculté des sciences vont-ils appréhender leur poste avec de tels préjugés sur leurs usagers?

A tous les bibliothécaires et aspirants bibliothécaires, je conseille donc la lecture du La Recherche de cet été, Les 40 livres de science indispensables, mensuel n°490 daté août 2014 :

« Peut-on être philosophe sans connaître les œuvres de Descartes ? Musicien sans connaître celles de Mozart ? Peintre sans connaître celles de Titien ? Évidemment non. Peut-on être physicien sans connaître les œuvres de Galilée ? Oui, hélas. Et peut-on se considérer comme cultivé sans avoir fréquenté Descartes, Mozart, Titien ? Certes pas. Mais Galilée ? Poser la question, c’est y répondre. »
La bibliothèque idéale – 01/08/2014 par Jean-Marc Lévy-Leblond

La Recherche n°490 daté août 2014 – Les 40 livres de science indispensables

Vous pouvez aussi vous tourner vers France culture. Du lundi au vendredi à 14h, c’est « culture sciences » (et pas d’excuse : le replay vous permet de choisir votre moment). Par exemple aujourd’hui, l’invité était André Brahic :

Il est certainement l’un des astrophysiciens français le plus connu et le plus choyé par le public. Son don de conteur et son amour pour la vulgarisation et la culture de la science, au bon sens du terme, font de lui un formidable passeur de connaissances, avec cette façon bien à lui de mêler propos scientifiques et légèreté humoristique.

« J’aimerais que dans la culture, la culture scientifique soit un élément de la culture comme l’est la poésie, la musique, la sculpture, etc, ce qui hélas est absent. J’en veux encore à Napoléon III qui a séparé les baccalauréat littéraire et scientifique. Ça vous donne des littéraires qui ne sont pas fichus de faire une règle de trois, y compris quand ils sont ministres de l’éducation nationale, et ça vous donne des scientifiques qui font trois fautes de français par ligne. La culture c’est un tout. […] Ce n’est pas la technique qui est partagée. De la même manière que le peintre va mettre 20 ans pour apprendre sa technique mais le tableau vous pouvez d’un coup d’œil l’apprécier  ou pas. Et bien la science peut en un mot très simple vous expliquer de quoi il s’agit. Tout le monde peut comprendre. »

Au delà des découvertes et de leurs applications, la science a une histoire, la science a une philosophie (l’épistémologie). Pour moi, la culture scientifique est ce qui regroupe ces quatre composantes.

En ce moment de nombreux éditocrates, célèbres ou anonymes fustigent l’actuelle ministre de la culture parce qu’elle n’a pas su citer un titre publié par le dernier prix Nobel de littérature sur un plateau TV.

Parmi ces pleureuses professionnelles se lamentant sur le déclin de la culture en France, je me demande combien seraient capables de citer des scientifiques en les associant avec leurs écrits, ou au minimum en précisant pourquoi ils sont restés célèbres.

Un exemple : lequel des trois a écrit « Le Hasard et la Nécessité »? François Jacob, Jacques Monod ou André Lwoff?

Le manque de culture scientifique est tellement criant en France, que Florence Porcel en a fait une rubrique : les perles du PAF. Et il n’y a pas que les candidats de téléréalité à sortir des énormités : les politiques ne sont pas les derniers, sans que les journalistes qui les interrogent ne rectifient quoi que ce soit.

Cet article a suscité plusieurs commentaires sur Facebook. Vous aussi, donnez votre avis :

  • ici comme Dominique Lahary,
  • ou sur Facebook comme Bertrand Calenge ou Alain Marois!

Aller plus loin :

Articles liés :

<MAJ du 06 décembre 2014 : hybrides et hybrides>

« C’est très difficile d’être à la fois scientifique et littéraire, eh bien faites de l’histoire des sciences, et vous serez les deux ! » Michel Serres.

On parle souvent des « bibliothécaires hybrides », qui manient à la fois le papier et le numérique. Mais rares sont les bibliothécaires qui manient à la fois les sciences et les lettres. Les bibliothèques manquent cruellement de ces autres bibliothécaires « hybrides ».

</maj>

<MAJ du 02 juin 2017 : Une rupture entre sciences et société>

Michel Serres décrit les cinq ruptures historiques entre la science et la société :

  1. Congrès Solvay de 1911, les scientifiques qui posent sur la photo s’appellent : Poincaré, Einstein, Curie, Dirac, Planck… Tous les héros de la relativité et de la mécanique quantique. C’est la première rupture de compréhension entre la science et le public, elle concerne l’astronomie et la physique.
  2. 1944 parait « What’s life » de Schrödinger. La deuxième rupture concerne la biologie, avec la découverte de la génétique cellulaire et l’ADN. On assiste à une rupture entre le paradigme d’avant-guerre et le paradigme d’après-guerre.
  3. Après Hiroshima et la bombe H, une crise énorme apparaît dans la société scientifique. Il y a là une coupure qui n’est pas intrinsèque à la science, mais qui est plus générale. Hiroshima n’a été qu’un exemple, et par la suite à peu près toutes les sciences ont été touchées par des problèmes de déontologie et d’éthique. La philosophie des Lumières s’est mise à vaciller.
  4. La cassure entre les sciences humaines, que connaissent ceux qui ont la parole (décideurs, journalistes…) et les sciences exactes, dans lesquelles ils sont ignares.
  5. Nous sommes tous devenus épistémologues : chacun a un avis sur les OGM, les mères porteuse, la chimie… Nous sommes tous informés, mais la connaissance ne suit pas.

Comment inverser la tendance, comment remédier à ces ruptures?

L’histoire des sciences (pour comprendre ce qu’est réellement l’innovation) et le grand récit qu’on peut composer à partir des différentes sciences (un récit qui s’étend sur 15 milliards d’années) sont deux pistes qui pourraient être suivies par les vulgarisateurs du réseau des Maisons pour la science, où se tient cette conférence. Il faudrait aussi enseigner les sciences exactes non seulement aux enfants mais aussi aux élites. Il y a par exemple eu un séminaire entre le CNRS et l’ENA. C’est ce type de démarche qu’il faudrait reconduire.

A propos du grand récit qu’on peut composer à partir des différentes sciences : France Culture – La méthode scientifique, 29 septembre 2016 :

Un récit de 15 milliards d’années, possible par la datation que font les sciences de leurs objets :

Comme ce n’est pas un récit finaliste, Michel Serres remonte le temps en élargissant les cercles autour de nous, les humains :

  • L’histoire des historiens (pays, civilisations…), qui démarre avec l’écriture
  • cultures préhistoriques (Aurignacien, Moustériens…)
  • Cousins Homo et Australopithèques : Toumaï (7 Ma – Millions d’années), Orrorin (6 Ma), Lucy (3.5 Ma)
  • Animaux, végétaux, champignons
  • Archées, Procaryotes, Eucaryotes
  • Monde à ARN, virus
  • système solaire âgé de 4.5 Ga, comprenant la Terre, du même âge
  • Galaxies
  • Big Bang vieux de 13.8 Ga (Milliards d’années)

 

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<MAJ du 02 juin 2017 : Pourquoi enseigner les sciences ?>

Connaissances versus croyances, rendre la science accessible, donner « du » goût aux sciences, mettre les sciences dans la culture ou bien la culture dans les sciences… autant d’idées développées par Etienne Klein, directeur de recherches au CEA, pour répondre à cette question du pourquoi, mais aussi du comment enseigner les sciences. Cette vidéo a été réalisée lors de la formation du CEA pour les enseignants « La science en marche », promotion 2017.

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