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Promotion de la littératie : qui va s’en occuper? (1)

Bebe Numerique
Extrait d’une présentation de Silvère Mercier (cliquez sur l’image). Son commentaire : Ceci est un mythe, ils ont à apprendre !

Nous avons passé en revue les règles de bon usage des réseaux sociaux (en famille, en entreprise) et du mail (netiquette, recherche d’emploi, travail) et observé qu’Internet peut être une formidable source d’information avec un peu d’esprit critique (comme pour les autres médias), y compris pour les journalistes (fact-checking). Or il n’est pas vrai que les jeunes savent se servir du réseau des réseaux de façon innée. Quand à leurs aînés, il ne sont pas tous geeks non plus. La fracture numérique, loin de se combler, est même en train de se creuser entre ceux qui savent et les autres. La promotion de la littératie est donc plus que jamais d’actualité pour lutter contre l’analphabétisme numérique. Mais qui doit s’en occuper ?

Lors de son hommage à Jules Ferry, le nouveau président de la République a mis l’école et la science au cœur de son quinquennat. Gratuite, laïque et obligatoire, l’école est un point de passage commun à tous les enfants. Cela semble donc le meilleur endroit pour un apprentissage de la littératie pour tous.

Élèves et professeurs

Les élèves ont coutume d’utiliser la toile pour l’école, même quand cela ne s’impose pas. Le résultat est un copié-collé du web qui donne un impression de tricherie généralisée, les copies reprenant des expressions puisées aux mêmes sources. D’où l’idée d’un enseignant de lettres de lycée de piéger ses élèves pour leur montrer… quoi? Je ne suis pas sûr d’avoir compris ses motivations. Il parle de moraliser le numérique à l’école, et cela ne me rappelle que trop cette volonté de civiliser le web qui nous menace toujours malgré l’alternance, car les lobbyistes qui la promeuvent ne baissent pas les bras. J’avoue que j’ai d’abord trouvé amusante l’histoire d’arroseur arrosé de ce professeur, d’autant que ses dessins sont pleins d’humour, avant de lire les nombreuse critiques à propos de son expérience. Le pourrisseur du web n’est pas l’objet de ce billet, je ne vais donc pas épiloguer. Un point, toutefois, m’a frappé : la débauche de moyens que ce plaisantin a du déployer pour “tromper” le web :

  1. vraies contributions à Wikipedia avant d’y introduire l’objet du canular,
  2. interventions sur des forums spécialisés pour se donner une légitimité,
  3. pseudo-commentaire sur deux sites de corrigés payants,
  4. nombreux liens tout azimuts pour améliorer son PageRank.

Il n’est donc pas si aisé de berner la toile. D’autant plus que si les sites de corrigés payants ont montré leur incurie, les contributeurs de Wikipedia ont corrigé le tir avant même que le prof ne dévoile sa farce aux médias. Le gratuit plus fiable que le payant? Le participatif plus réactif que les comités de lecture? De plus, tous les apports frauduleux de Loys Bonod ont rapidement sombré dans les abîmes de la toile.

Croyez-vous que le monde du papier soit vierge de toute plaisanterie? Or avant le web, certaines impostures ont duré très longtemps. L’Homme de Piltdown, le soit disant fossile de l’Acheuléen, a défrayé la chronique durant quarante ans, bien avant l’invention d’Internet (1912) : la démonstration définitive de la supercherie n’est intervenue qu’en 1959, et on n’en connait toujours pas l’auteur avec certitude. Plus ancien encore, le mystérieux docteur O. Uplavici, auteur d’un article sur la dyssenterie en 1887, a été cité 50 ans durant dans les publications scientifiques, jusqu’à ce qu’un chercheur vérifie ses sources au lieu de simplement reprendre aveuglément les citations des autres. Il a alors découvert que M. Uplavici n’a… jamais existé!

Souvenez-vous encore du physicien Alan Sokal qui en 1996 a enflammé l’ensemble du monde des sciences humaines. Grâce au papier, il n’a pas eu à se fatiguer, il s’est contenté d’écrire un article dans une revue : Transgresser les frontières : vers une herméneutique transformative de la gravitation quantique (tout un programme!). L’éditeur a accepté l’article, à croire qu’il ne vaut pas mieux que les sites de corrigés. Sokal a rapidement dévoilé son canular, qu’il avait monté pour dénoncer certaines impostures intellectuelles en sociologie.

Les impostures, qu’elles soient issues d’erreurs ou montées sciemment, existaient avant Internet. Ne reprochons donc pas à ce dernier des travers qui ne sont que le reflet des travers humains. Faut il que j’évoque les scandales contemporains du Médiator ou de l’Amiante? Ils n’ont pas eu besoin de la toile pour advenir.

Enfin, le plagiat ne concerne pas que les lycéens comme le fait remarquer Lionel Maurel… et certains des exemples qu’il donne ont été démasqués grâce à Internet (PPDA ne remercie pas Google Books 🙂 ) :

PPDA, Houellebecq, Macé-Scaron, Gallimard et dernièrement l’inventive Rama Yade et ses “citations libres“… sans compter la psychose qui règne autour de cette question en milieu scolaire et universitaire

Chateaubriand se désolait déjà du plagiat et de la non-citation des sources il y a 200 ans :

J’aurais pu piller les Mémoires de l’abbé Guenée, sans en rien dire, à l’exemple de tant d’auteurs, qui se donnent l’air d’avoir puisé aux sources, quand ils n’ont fait que dépouiller les savants dont ils taisent le nom. Ces fraudes sont très faciles aujourd’hui, car, dans ce siècle de lumières, l’ignorances est grande. On commence par écrire sans avoir rien lu, et l’on continue ainsi toute sa vie.

Les exemples de l’homme de Piltdown et du docteur Uplavici sont des souvenirs de mes études en info-doc (et les citations de mes sources pour ce billet me viennent de… Google 😉 ). Celui qui, à l’école, est censé avoir fait des études similaires est le documentaliste. Est-il donc mieux placé que les autres professeurs pour assurer l’apprentissage de la littératie? Réponse vendredi prochain.

Partagez votre avis! Selon vous, quels acteurs peuvent lutter contre l’analphabétisme numérique? Qui est le mieux placé pour cela?


http://www.socialtextjournal.org/
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