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Premier “entretien de suivi mensuel” au Pôle Emploi

J’ai remisé mon calame dans son tiroir jusqu’au prochain concours. J’ai encore des crampes dans la main droite. Pas fâché de retrouver mon clavier et le XXIe siècle, mais déçu que ce soit pour aller au Pôle Emploi pour mon suivi mensuel.

Sur le fait que ce premier rendez-vous intervient 5 mois après la fin de mon contrat, je ne dirai rien. Sur la question de savoir pourquoi j’en suis déjà à trois conseillers dans trois agences différentes, je resterai coi. Sur l’inexistence de mes allocations chômage, je me suis déjà exprimé. Pour que ce billet ne reste pas centré sur ma petite personne, je vous propose aujourd’hui une petite bibliographie (déformation professionnelle 😉 ).

Certains piliers de comptoir qui refont le monde façon café du commerce feraient bien de mettre les pieds dans une bibliothèque de temps en temps. Cela leur éviterait de raconter des âneries dans les forums de discussion. J’ai lu tous les livres de la bibliographie qui suit. Je me suis reconnu dans un grand nombre des situations décrites. Ces auteurs ne sont pas de grands philosophes, mais ils parlent de la vraie vie. C’est pourquoi les lecteurs de Deleuze gagneraient aussi à parcourir ces ouvrages. (Cliquez sur les couvertures pour lire les critiques)

Quand on travaille dans un open space, si on quitte le bureau à 18h30, les collègues “plaisantent” : Alors, tu a pris ton après-midi ?

Des Isnards Alexandre. L’open space m’a tuer. Paris : Hachette littératures, 2009. 219 p.

http://www.lopenspacematuer.com/

“Ils n’ont qu’à travailler !” Rengaine du racisme anti-pauvres ordinaire. On peut travailler et être pauvre. Il y a belle lurette que le phénomène n’est plus exclusivement américain :

Ehrenreich Barbara. L’Amérique pauvre. Paris : Grasset, 2005. 334 p.
Aubenas Florence. Le quai de Ouistreham. Editions de l’Olivier, 2010. 269 p.

Entre deux jobs, il faut chercher le prochain :

Talneau Sophie. On vous rappellera. Paris : Hachette, 2005. 245 p.

Quand on travaille à Pôle Emploi, la vie n’est pas rose non plus… et ça retombe sur les chercheurs d’emploi :

Marion Bergeron. 183 jours dans la barbarie ordinaire. Paris : Plon, 2010. 236p.
http://183jours.blogspot.com/
Guiselin Gaël. Confessions d’une taupe à Pôle Emploi. Paris : Calmann-Lévy, 2010. 132 p.

Comme une bibliothèque, ce ne sont pas que des livres, voyez aussi la vidéo de Public Sénat sur la fusion ANPE-Assedics. Édifiant.

  • Fusion menée sans les moyens adéquats,
  • manque de formation,
  • nombre de dossiers à gérer parfois deux à trois fois le nombre de dossiers préconisé lors de la fusion : 180 ou plus au lieu de 60,
  • pas de bureau fixe,
  • les agents doivent vérifier les titres de séjours des étrangers résidant en France
  • pression pour faire baisser les taux : faire sortir les chômeurs de la catégorie A ou les radier, “on les cache sous le tapis”
  • Les professionnels s’appellent eux-même “les radiateurs” entre eux
  • etc.

Si vous voulez voir les choses de l’intérieur, parcourez le blog : http://www.lafusionpourlesnuls.com/, à destination des gens qui travaillent à Pôle Emploi, mais accessible pour tout un chacun. La prochaine fois que vous irez à Pôle Emploi, ayez ces témoignages en tête avant de vous en prendre aux agents qui y travaillent. Ils se retrouvent dans un système sur lequel il n’ont pas de prise.

La vidéo de Public Sénat reprend en guise de générique des extraits d’un canulars d’Anne Roumanov appelant le Pôle Emploi en se faisant passer pour une demandeuse d’emploi du XVIe arrondissement. “Aujourd’hui c’est plus facile de trouver un mari que de trouver un emploi”. Je l’avais entendu sur Europe 1, mais je n’accroche pas au côté snob de cette demandeuse d’emploi, paniquée de se retrouver “mélangée au commun”, parce qu’elle a “une certaine éducation”. On y retrouve ce racisme anti-pauvre qui me déplait tant.

Nettement plus drôle, le blog Sans Emploi, la BD nihiliste de Jibé, que j’ai découvert il y a des années (Ça fait longtemps que je suis concerné).

Le reportage de Public Sénat insiste beaucoup sur la crise des banques de 2008 qui serait à l’origine d’une “explosion du chômage”. Plus généralement, à entendre les médias, 2008 serait responsable de tous nos malheurs actuels. Pourtant, juste avant, c’était la faute de la Chine. Auparavant, celle de la globalisation et des délocalisations. Encore avant, la mécanisation des usines a été incriminée. On a même parlé des errements du Dollar (abandon de la convertibilité-or en 1971) et de l’essoufflement du Taylorisme.

Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître (Charles Aznavour) : Coluche y brocardait déjà la criiiiiise! Le RMI et les Resto du cœur ne datent en effet pas de 2008 mais de 1985. Les 3 millions de chômeurs actuels ne datent pas de 2008 non plus : en 1985 on en comptait 2,5 millions et en 1993… déjà trois millions! La crise date en fait des chocs pétroliers de 1973 et 1979. Depuis, les reprises sont toujours timides et systématiquement suivies de rechutes, et le chômage se maintient. Ainsi, cela fait plus de trente ans que c’est la crise, plus de trente ans que les “Trente Glorieuses” (Jean Fourastié) sont terminées, plus de trente ans que la France vit une situation de chômage de masse, plus de trente ans que les “nouveaux pauvres” y sont apparus.

Pendant les Trente Glorieuses, la norme était le CDI à temps plein, et l’offre présentée il y a deux billets n’aurait pas trouvé preneur. Aujourd’hui, la précarité est banalisée : travail intérimaire, saisonnier, à temps partiel, à durée déterminée, contrats aidés, stages… La flexibilité est devenue la norme et les employeurs le savent.

Depuis la fusion, il est demandé aux professionnels de Pôle Emploi d’appeler les demandeurs d’emploi des “clients”. Si dans le commerce, le client est roi, ce n’est pas le cas dans cette grosse machine qu’est Pôle Emploi.

Si vous voulez

2 commentaires sur “Premier “entretien de suivi mensuel” au Pôle Emploi”

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